
SERMON pour le 22ème dimanche après la Trinité
Philippiens 1/3-11 ; Matthieu 18/21-35
LE CŒUR DE LA FOI
Le pardon est une notion centrale de l'Évangile, au cœur de la foi, car Notre Seigneur Jésus-Christ est venu pour pardonner tous les péchés de ceux qui croient à la Bonne Nouvelle de l'Évangile. On pense souvent que la bonne nouvelle est celle de la résurrection de Notre Seigneur, et on a raison. Mais Christ n'est pas mort crucifié juste pour nous montrer Sa puissance sur la mort en ressuscitant le troisième jour. Sa démarche n'est pas une simple démonstration de force, mais la manifestation d'un pardon divin. Le mot pardon est synonyme de grâce. Le pardon est un "don par", un don par lequel Dieu nous fait la grâce d'oublier nos offenses envers Lui. Le pardon est donc un pur don de grâce, car nul ne peut influencer Dieu en Le forçant à nous pardonner nos péchés, ni acheter Sa grâce moyennant quelques bonnes œuvres de piété pouvant mériter Son indulgence. Le pardon n'est pas une indulgence ! Le pardon est beaucoup plus qu'une indulgence ! Le pardon, ce n'est pas une tolérance du péché, une acceptation du mal, mais au contraire une reconnaissance du péché et une renonciation au mal, avec l'aide du Saint-Esprit en nous.
En réalité, Dieu est impassible. Il ne pâtit pas de nos péchés car ils sont sans effet sur Lui. Dieu ne souffre pas de nos péchés, mais Il ne peut pas les souffrir. Il ne les approuve pas et ne les supporte pas. En revanche, Dieu est bon, Il est la Bonté même, et Il nous accorde Sa grâce si nous nous accordons avec Lui, avec Sa volonté, avec Sa sainteté, autrement dit, si nous désapprouvons nos péchés et les déclarons insupportables au point de les haïr et d'en avoir horreur. Telle est la repentance que l'œuvre de l'Esprit-Saint opère en nous, si nous considérons et croyons les souffrances endurées par Christ à la croix ; Son sacrifice est horrible, mais c'est celui que nous avons mérité par nos péchés, c'est-à-dire par notre ignorance ou notre révolte contre notre Père du Ciel et notre refus d'obéir à Ses Dix Commandements.
Paradoxalement, Christ nous enseigne la haine ! Oui, la haine du mal et de la désobéissance à Sa Loi de sainteté. Les progressistes nous le reprochent assez. Et la haine est l'opposé de l'amour, or « Dieu est amour » (1 Jean 4/8). Aimer Dieu consiste non seulement à s'accorder avec Sa sainte volonté, mais encore à haïr tout ce qui s'y oppose. Mes amis, apprenons à haïr… mais à haïr le mal, Satan, ses œuvres et ses pompes. Sans cette haine du mal, nous ne serons pas sauvés, au jour du Jugement dernier. Nous nous serions bercés d'illusions trompeuses si nous avions pensé qu'aimer consistait à tout aimer, à tout tolérer, à tout accepter, à tout approuver. Car ce faux amour, cet amour hypocrite, n'est au fond rien d'autre que de l'indifférence au mal, et un véritable manque d'amour pour les pécheurs perdus, le plus souvent par ignorance. Car l'ignorance de Dieu conduit à tous les péchés qui mènent en enfer. Détester Dieu et Sa Loi de sainteté, c'est ignorer Sa bonté et Sa miséricorde ; c'est aussi Lui imputer le mal qui se comment dans le monde. N'avez-vous donc jamais entendu les agnostiques et les athées s'écrier "Si Dieu était bon, pourquoi la violence, la maladie, les guerres ? Pourquoi permet-Il que des petits enfants innocents subissent la maladie et même la mort ?" Et ils terminent leur diatribe facile en accusant Dieu d'être injuste, sans voir leur propre injustice à accuser notre bon Père céleste de tout ce que les hommes font lorsqu'ils sont influencés par Satan, c'est-à-dire privés du Saint-Esprit de Dieu qui nous fait connaître, comprendre et aimer la Parole de Dieu.
Si tous les hommes connaissaient la Parole de Dieu, ils sauraient que le mal ne vient pas de Dieu, mais des hommes, de tous les hommes (Romains 3/23) : « tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ». C'est pourquoi il leur est nécessaire de naître de nouveau, c'est-à-dire de s'ouvrir à la grâce et au pardon de Dieu, offerts gratuitement en Jésus-Christ, au lieu de se renfermer sur leur quant-à-soi comme des huîtres. Si tous les hommes connaissaient la Parole de Dieu, ils reconnaîtraient leur erreur, ils se repentiraient de leur péché, ils détesteraient l'homme qu'ils étaient auparavant et tout le mal qu'il faisait, tolérait, appréciait et aimait, et ils s'accorderaient avec la volonté du Père, comme le moine (St) Gérard qui affichait sur la porte de sa cellule "Ici, on fait la volonté de Dieu". Il faut se rappeler que le verbe "s'accorder" contient le mot "cœur" (cor, en latin) et désigne un véritable cœur à cœur avec Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit - pas une simple soumission servile.
La première activité du Chrétien né de nouveau est en effet la méditation de la Parole de Dieu et la prière, qui, pris ensemble, sont une véritable conversation, un vrai cœur-à-cœur avec notre Créateur. La deuxième activité du Chrétien est alors de pardonner à ceux qui lui ont causé du tort, parce qu'il a lui-même été pardonné par Dieu de tous ses péchés, qui sont autant d'offenses à Dieu. Imaginez que dans le Ciel, nous serons réunis à ceux qui nous ont fait du mal ou qui ont contribué à répandre des médisances à notre endroit. Imaginez que les assassins et les violeurs d'enfants soient condamnés à vivre leur éternité avec leurs victimes. Sans le pardon demandé et accordé, ce serait pire que l'enfer ! Ne faisons pas de la vie sur terre un enfer pour notre entourage. Sachons aimer. Et comment aimer, si nous ne pardonnons pas vraiment, du fond du cœur ?
Tel est le cœur de la foi… on le trouve en Matthieu 6/12 : « pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Le pardon, c'est le fait d'un Chrétien qui a tout compris des implications ultimes de la foi en Christ. La parabole du serviteur impitoyable de Matthieu 18/21-35 nous indique clairement dans sa conclusion que ceux qui refusent de pardonner ceux qui le leur demandent finiront très mal (Matthieu 18/34-35) : « son maître, irrité, le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il ait payé tout ce qu’il devait. C’est ainsi que mon Père céleste vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur ». Notez que Jésus-Christ précise qu'il s'agit du pardon entre frères chrétiens. Et ce pardon est le ciment de l'Église de Christ en construction, et le cœur de la foi chrétienne. Nul ne saurait se dire Chrétien et refuser de pardonner à ses frères repentants ! Et ce pardon chrétien implique un oubli total des offenses et des blessures. Ce n'est pas simple, il faut bien le reconnaître, et sans l'assistance et l'impulsion du Saint-Esprit que Dieu met en nous, ce serait même impossible. On ne peut pas faire semblant de pardonner. On ne peut pas tromper Dieu en cette matière, comme sur tous les autres sujets, car Dieu sait tout, voit tout, entend tout, et Son regard divin atteint jusqu'au fond de nos cœurs (2 Corinthiens 5/11b) : « Quant à Dieu, il nous connaît ».
Dieu nous a tout pardonné, en vertu des mérites de Jésus-Christ à la croix. Et nous hésiterions à pardonner une petite offense, une petite blessure d'amour-propre, une petite médisance ? Quel est cet orgueil qui nous retient et nous en empêche, sinon la voix de Satan ? Et pour faire taire l'ennemi de nos âmes immortelles, il n'est que de se nourrir de la Parole de Dieu. N'est-ce pas ainsi que Jésus répondait à Satan, lorsque ce dernier Le tentait, au désert ? (Matthieu 4/4;7;10) : « Il est écrit… », et de citer la Bible. Et comment pourrions-nous réfuter Satan, si nous ignorons la Parole de Dieu, puissante et agissante ? Que chacun se rassure (Jean 14/26) : « le défenseur, l’Esprit saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous ai dit ». Il suffit d'aimer Dieu, le Père, le Fils, le Saint-Esprit, et nous sommes pardonnés et aimés de Dieu au point de chercher à Lui être agréable en toute chose (Jean 14/21-23) : « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui qui m’aime ; celui qui m’aime sera aimé de mon Père et moi aussi, je l’aimerai et je me ferai connaître à lui. Jude —à distinguer de l’Iscariot — lui dit : Seigneur, comment se fait-il que tu te feras connaître à nous et non au monde ? Jésus lui répondit : Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole et mon Père l’aimera ; nous viendrons vers lui et nous établirons domicile chez lui ». Pensez-vous que cet amour divin, cette communion avec la Trinité et cette habitation de l’Esprit-Saint en nous, se passe de pardon de toutes les offenses ? Avant de recevoir Sa Majesté divine dans notre cœur, un grand ménage est nécessaire. La demeure de notre cœur doit être entièrement nettoyée, purifiée, sanctifiée. Et c'est encore Dieu qui fait le ménage en nous pardonnant nos péchés, tous nos péchés, en nous justifiant et en nous glorifiant. Notre Salut ne dépend donc pas de nous. Il nous est inaccessible, mais nous pouvons le recevoir de Dieu, si c'est Sa volonté, et si nous n'y faisons pas obstacle par notre endurcissement dans le péché, comme le serviteur impitoyable de la parabole, lequel refusait de pardonner aux autres et de faire une croix sur leur dette envers lui. La croix est le signe de ralliement des Chrétiens, et c'est aussi le symbole du pardon : Le langage de la croix est en effet celui-ci "Ici, tout est pardonné, effacé, oublié". Et son corollaire, nous le trouvons en Jean 8/11 « Va, et désormais ne pèche plus ».
Ainsi, Paul écrit aux Philippiens qu'il les garde dans son cœur (Philippiens 1/7b) : « je vous porte dans mon cœur, vous qui participez tous à la même grâce que moi ». Il n'y a en effet qu'une seule grâce : Jésus-Christ donné par le Père pour notre pardon et notre Salut, par amour pour nous. Et Paul continue, au verset suivant (Philippiens 1/8) : « En effet, Dieu m’est témoin que je vous chéris tous avec la tendresse de Jésus-Christ ».
Paul ne nous cache pas la raison de son amour pour les frères chrétiens (Philippiens 1/5) : C'est « à cause de la part que vous prenez à l’Évangile depuis le premier jour jusqu’à maintenant ». Notre devoir, en tant que Chrétiens, est de propager l'Évangile ; d'où la nécessité de le lire, de l'étudier, de le méditer pour s'en nourrir quotidiennement. Sans quoi, nous sommes démunis. Et Paul ne nous cache pas qu'il s'agit d'un travail continu et de longue haleine, le travail de toute une vie (Philippiens 1/6) : « Je suis persuadé que celui qui a commencé en vous cette bonne œuvre la poursuivra jusqu’à son terme, jusqu’au jour de Jésus-Christ ». Cependant, Paul ne nous demande pas d'évangéliser par la parole seulement, mais aussi par notre comportement, c'est ce qu'il appelle "porter du fruit" : « Et voici ce que je demande dans mes prières : c’est que votre amour augmente de plus en plus en connaissance et en pleine intelligence pour que vous puissiez discerner ce qui est essentiel. Ainsi vous serez purs et irréprochables pour le jour de Christ, remplis du fruit de justice qui vient par Jésus-Christ à la gloire et à la louange de Dieu » (Philippiens 1/9-11). Paul nous invite à nous laisser transformer par Dieu qui veut nous modeler à l'image de Jésus-Christ, Son fils bien-aimé. Alors Il nous aimera, comme Il aime son Fils, puisque nous serons UN avec Lui, par Lui et en Lui.
« En effet, ce n’est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de sagesse » (2 Timothée 1/7). Apprenons donc à nous aimer les uns les autres comme Dieu nous aime. Apprenons à nous pardonner les uns aux autres comme Dieu nous a pardonnés. Nourrissons-nous de la Parole de Dieu « afin que l’homme de Dieu soit formé et équipé pour toute œuvre bonne » (2 Timothée 3/17), « pour que nous soyons saints et sans défaut devant lui. Dans son amour » (Éphésiens 1/4b). Saints, c'est-à-dire séparés de ce monde, ne vivant pas comme lui, tout en étant dans le monde où Dieu nous envoie. Nous serons alors des pierres d'achoppement, des témoins dont le bon comportement pose question à ceux qui ne croient pas en Dieu ou refusent de se soumettre à Son Amour, en pensant que notre Père céleste serait un dieu méchant, puisqu'il ne cède pas à tous leurs caprices. Ce sont des enfants dans l'âme, qui ont besoin d'être instruits, éduqués, formés à l'image de Christ, tout comme nous-mêmes.
Mes amis, souvenez-vous de qui vous étiez avant d'être touchés par la grâce de la foi en Christ. Vous étiez du monde, comme tout le monde. Et maintenant, vous n'appartenez plus au monde. Vous êtes à Christ, et Christ est à Dieu. Et si Dieu nous laisse encore un peu de temps dans ce monde qui va à la perdition, c'est pour Lui servir de témoins. Les entreprises de vente à distance sur Internet le savent et le pratiquent : elles ne se contentent pas de vanter leurs produits et d'offrir quelque rabais sur les prix… elles ajoutent dans les commentaires des appréciations de faux clients exprimant leur satisfaction d'avoir reçu leur commande rapidement, et de l'efficacité du produit acheté. Par nos vies transformées, nous sommes les vrais témoins de la grâce de Dieu et de l'efficacité du pardon qu'Il nous offre en Jésus-Christ, Son Fils. Oh ! nous connaîtrons bien sûr des échecs, des défaillances, et nous en serons désolés. La faute à Dieu qui nous a choisis malgré nos défauts et nos faiblesses (2 Corinthiens 4/6-7) : « En effet, le Dieu qui a ordonné que la lumière brille du sein des ténèbres a aussi fait briller sa lumière dans notre cœur pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu dans la personne de Jésus-Christ. Nous portons ce trésor dans des vases de terre afin que cette puissance extraordinaire soit attribuée à Dieu, et non à nous ». Dieu sait que nous ne sommes pas parfaits, et Il en tient compte.
Que nul ne se vante d'être un bon témoin, car le seul bon témoin, c'est le Saint-Esprit qui agit en nous, et à travers nous, malgré nos défauts et nos faiblesses. Mais prenons patience. Espérons dans la fidélité de Dieu à Ses promesses divines, et pratiquons du fond de nos cœurs le pardon, qui en est la manifestation la plus évidente, car c'est la foi du cœur et le cœur de la foi. Amen.
Tr. Révd Yves Méra, évêque AOC.