21-De la langue liturgique
21-De la langue liturgique
II-9. Que les Prières Publiques doivent se faire,
et les Sacrements doivent être administrés dans une langue connue.
{49} Parmi les multiples exercices du peuple de Dieu, chers Chrétiens, aucun n'est plus nécessaire en tous lieux et en tout temps que la prière publique et l'usage correct des sacrements. Car avec la prière, nous supplions Dieu pour toutes les choses que nous ne pouvons obtenir autrement, et avec les sacrements Il nous a admis et Il s'est offert Lui-même pour que nous adhérions à Lui. Sachant donc que ces deux exercices nous sont très nécessaires, ne pensons pas qu'il soit hors de propos de considérer d'abord ce que sont une prière et un sacrement, puis combien de sortes de prières il y a et combien de sacrements, afin que nous comprenions mieux comment les pratiquer correctement.
St Augustin nous enseigne ce qu'ils sont. Dans son livre intitulé De l'esprit et de l'âme, il dit ceci de la prière : « La prière », dit-il, « est la dévotion de la pensée, c'est à dire le retour à Dieu par une affection humble et pieuse, laquelle affection est une volonté assurée et une douce inclination de la pensée elle-même vers Dieu ». Et dans le second livre Contre les adversaires de la loi et des prophètes, il appelle les sacrements des « signes saints ». Et écrivant à Boniface sur le baptême des enfants, il dit : « Si les sacrements n'avaient pas une certaine similitude avec les choses dont ils sont sacrements, il n'y aurait pas de sacrement du tout. Et à cause de cette similitude, ils reçoivent pour la plupart le nom de la chose même qu'ils signifient ». De ces mots de St Augustin, il apparaît qu'il approuvait la description commune d'un sacrement : un signe visible d'une grâce invisible, c'est à dire qu'il permet de voir et de saisir par les sens l'œuvre intérieure de la miséricorde gratuite de Dieu, et qu'il scelle vraiment dans notre cœur les promesses de Dieu. Ainsi la circoncision était-elle un sacrement, qui prêchait aux sens extérieurs l'amputation intérieure du prépuce du cœur, scellant et assurant dans le cœur la promesse de Dieu visant la semence promise qu'ils recherchaient.
Maintenant, voyons combien de sortes de prières et combien de sacrements il y a. Nous lisons dans les Écritures qu'il y a trois sortes de prières dont deux sont privées, et la troisième [sorte] est commune. La première est celle dont St Paul parle dans son épître à Timothée, en disant : « Je veux que les hommes prient en tout lieu, levant des mains pures, sans se forcer ni se mettre en colère », et c'est l'élévation dévote des mains vers Dieu, sans prononcer de vive voix les douleurs du cœur ni ses désirs. Nous avons un exemple de cette prière dans le 1er livre de Samuel avec Anne, la mère de Samuel, quand elle avait le cœur lourd et priait dans le Temple, désirant être rendue féconde. « Elle priait dans son cœur » dit le texte, « mais aucune voix ne pouvait être entendue ». Tous les Chrétiens doivent prier de la sorte, non pas une fois dans la semaine ni une seule fois par jour, mais comme St Paul l'écrit aux Thessaloniciens : « sans cesse », et comme St Jacques l'écrit : « La prière continuelle d'un homme juste est d'une grande force ». La seconde sorte de prière est décrite dans l'Évangile de Matthieu où il est dit : « Quand tu pries, entre dans ton cabinet secret, et quand tu as fermé la porte sur toi, prie ton Père en secret, et ton Père qui te voit en secret te récompensera ». Il y a de nombreux exemples de cette sorte de prière dans les Écritures, mais qu'il suffise d'en rappeler une qui est écrite dans les Actes des Apôtres. Cornélius, un homme dévot, un capitaine de l'armée italique, dit à Pierre qu'« étant en prière dans sa maison à la neuvième heure [au milieu de l'après-midi], quelqu'un lui apparut avec un vêtement blanc, etc. ». Cet homme priait Dieu en secret et fut pleinement récompensé. Ces deux sortes de prières sont privées, l'une est mentale, c'est à dire une élévation des mains à Dieu, et l'autre est vocale, c'est à dire l'expression secrète des douleurs et des désirs du cœur avec des mots, mais cependant dans le secret d'un cabinet solitaire.
La troisième sorte de prière est publique ou commune. Christ notre Seigneur en parlait quand il disait : « Si deux d'entre vous se mettent d'accord sur quoi que ce soit, quoi que vous demandiez, mon Père qui est dans les cieux le réalisera pour vous, car là où deux ou trois sont réunis en Mon Nom, Je suis là au milieu d'eux ». Bien que Dieu ait promis de nous écouter quand nous prions en privé, qu'on le fasse ainsi, dévotement et fidèlement (car Il a dit : « Invoque-Moi dans les jours où tu es troublé, et Je t'entendrai », et « Élie n'étant qu'un mortel », dit St Jacques, « pria et le ciel fut fermé trois ans et six mois, et il pria de nouveau et le ciel donna la pluie »), cependant, il apparaît de par les histoires de la Bible que la prière commune publique est très valable devant Dieu, il faut donc beaucoup se lamenter qu'elle ne soit pas mieux estimée parmi nous, qui professons de n'être qu'un corps avec Christ. Quand la ville de Ninive fut menacée de destruction sous 40 jours, le prince et le peuple se sont unis dans une prière publique et dans le jeûne, et ils furent épargnés. Dans le prophète Joël, Dieu a ordonné qu'un jeûne soit proclamé et que le peuple se rassemble, jeunes et vieux, hommes et femmes, et leur a enseigné à dire d'une seule voix : « Épargne-nous, ô Seigneur, épargne Ton peuple et ne laisse pas Ton héritage tomber dans la confusion ». Quand les Juifs auraient dû être tous détruits en un jour à cause de la malignité d'Amman, sur le commandement d'Esther ils ont jeûné et prié et ils furent épargnés. Quand Holopherne assiégeait Bétulie, sur l'avis de Judith ils ont jeûné et prié et ils furent délivrés. Quand Pierre était en prison, la congrégation s'est réunie dans la prière et Pierre fut miraculeusement délivré. De ces histoires, il apparaît que la prière commune publique est d'une grande force pour obtenir miséricorde et la délivrance de la main de notre Père céleste. « C'est pourquoi, frères, je vous supplie », même « pour les tendres miséricordes de Dieu », ne soyons plus négligents en la matière ; mais comme des gens qui veulent recevoir de bonnes choses de la main de Dieu telles que la prière commune de l'Église les en implore, réunissons-nous dans le lieu de la prière commune et supplions notre Père céleste d'une seule voix pour toutes les choses dont nous savons qu'elles nous sont nécessaires. Je ne vous interdis pas de prier en privé, mais je vous exhorte à estimer la prière commune comme une chose très valable. Et avant tout, assurez-vous que dans toutes ces trois sortes de prières, votre esprit soit dévotement élevé vers Dieu ; sans quoi votre prière est sans but et cette parole se vérifiera en vous : « Ce peuple M'honore des lèvres mais leur cœur est loin de Moi ».
Voilà pour ce qui est des trois sortes de prières dont les Écritures font mention.
Maintenant, et tout aussi succinctement ou plus brièvement encore, vous allez entendre combien de sacrements il y a, institués par Christ notre Sauveur, qui doivent être maintenus et reçus par chaque Chrétien en leur temps et avec ordre, et dans l'intention où Christ notre Sauveur veut qu'ils soient reçus. Quant à leur nombre, si on les considère selon leur signification exacte, tels qu'ils sont clairement exprimés et commandés par Christ comme sacrements, à savoir pour des signes visibles expressément ordonnés dans le Nouveau Testament, auxquels est annexée la promesse du pardon gratuit de notre péché, de notre sanctification et de notre union à Christ, il n'y en a que deux, à savoir le baptême et la Cène du Seigneur. Car bien que l'absolution comporte la promesse du pardon du péché, cependant, selon les paroles mêmes du Nouveau Testament, cette promesse n'est pas jointe ni liée au signe visible, qui est l'imposition des mains. Car le signe visible, je veux dire l'imposition des mains, n'est pas expressément commandé dans le Nouveau Testament pour l'absolution, comme le sont les signes visibles dans le baptême et la Cène du Seigneur. Et bien que l'ordination des serviteurs [de Dieu] comporte ce signe visible et cette promesse, il y manque cependant la promesse de la rémission du péché, comme tous les autres sacrements. C'est pourquoi ni celui-ci ni d'autres ne sont des sacrements, en dehors du baptême et de la communion. Mais selon l'acception générale du terme, le mot sacrement peut être attribué à tout ce par quoi une chose sainte est signifiée. Et c'est dans cette compréhension du terme que les anciens auteurs ont employé ce mot, pas seulement à propos des cinq autres [sacrements] qui ont été communément en usage ces derniers temps pour compléter [la liste] des sept sacrements, mais aussi pour plusieurs autres cérémonies diverses, comme l'onction, le lavement des pieds et autres, ce qui ne veut pas dire qu'ils soient réputés sacrements pour autant, dans le même sens que les deux sacrements susmentionnés. Et pour cette raison, St Augustin, évaluant la vraie et exacte signification du mot, écrivait à St Janvier comme dans son troisième livre de doctrine Chrétienne, affirmant que les sacrements des Chrétiens, étant « très excellents en signification », sont « très peu en nombre », et dans les deux passages il fait expressément mention de deux sacrements, le baptême et la Cène du Seigneur. Et bien que l'Église d'Angleterre retienne, à côté de ces deux là, certains autres rites et cérémonies visant l'institution des ministres de l'église, le mariage, la confirmation des enfants par l'examen de leur savoir en matière d'articles de foi, et qu'elle y joigne les prières de l'église pour eux, et de même pour la visite des malades, cependant nul homme ne doit les prendre pour des sacrements dans le même sens et avec la même signification que les sacrements du baptême et de la Cène du Seigneur, mais soit comme de pieux états de vie, nécessaires dans l'église de Christ méritant donc d'être mis en avant par une action publique et solennelle de l'Église, soit comme des ordonnances visant l'instruction, le réconfort et l'édification de l'Église de Christ.
Maintenant, ayant suffisamment compris ce que sont la prière et les sacrements, combien de sortes de prières il y a, combien de sacrements ont été institués par notre Sauveur, voyons si les Écritures et l'exemple de l'Église primitive permettent qu'une prière vocale, c'est à dire quand la bouche prononce les demandes de vive voix pour un sacrement ou d'autres rites et actions communes relevant du bénéfice et de l'édification de la pauvre congrégation soient administrés dans une langue inconnue, incomprise du ministre ou du peuple ; oui, si une personne peut utiliser en privé une prière vocale dans un langage qu'elle ne comprend pas elle-même. À cette question, nous devons répondre : Non.
Et d'abord la prière commune et l'administration des sacrements. Bien que la raison, si elle pouvait diriger, nous persuaderait bientôt de dire notre prière commune et d'administrer les sacrements dans une langue connue, aussi bien parce que pour une multitude, prier en commun c'est demander une même chose d'une même voix et d'un même accord, et qu'administrer un sacrement c'est prêcher au récipiendaire, par une parole et un geste extérieurs, la grâce de Dieu, intérieure et invisible, et aussi parce que ces deux exercices ont été d'abord institués et continuent d'être pratiqués dans le but que la congrégation soit de temps en temps rappelée au souvenir de son unité en Christ, et qu'en tant que membres d'un seul corps, ils doivent désirer et rechercher par la prière et autrement, l'avantage de l'autre et non leur seul propre avantage, nous n'aurons pas besoin de recourir aux preuves de la raison en cette matière, car nous avons à la fois les Paroles claires et manifestes de l'Écriture, et aussi l'accord des anciens auteurs très instruits, pour nous commander que les prières de la congrégation soient dites dans une langue connue.
Premièrement, Paul dit aux Corinthiens : « Que tout se fasse pour édifier ». Ceci ne se peut pas, à moins que les prières communes et l'administration des sacrements soient faites dans une langue connue du peuple. Car là où les prières dites par le ministre [du culte] et les paroles de l'administration des sacrements ne sont pas comprises par ceux qui sont présents, ils ne peuvent pas être édifiés. Car quand la trompette qui est sonnée sur le champ [de bataille] donne un son incertain, nul homme n'est incité à se préparer au combat, et quand un instrument de musique émet un son indistinct, nul homme ne peut dire ce qui est joué, de même quand les prières ou l'administration des sacrements sont faits dans une langue inconnue, lequel d'entre ceux qui écoutent sera incité à élever son esprit à Dieu et à Le supplier avec le ministre pour obtenir de Sa main les choses que le ministre demande à Dieu dans les paroles de ses prières ? Ou qui, dans l'administration des sacrements, comprendra quelle grâce invisible doit être implorée par ceux qui écoutent, afin qu'elle opère dans l'homme intérieur ? Personne, en vérité. Car, dit St Paul : « Celui qui parle dans une langue inconnue sera un extraterrestre pour celui qui l'entend », ce qui est une absurdité dans une congrégation chrétienne. Car nous ne sommes pas des étrangers les uns pour les autres, mais nous sommes « les concitoyens des saints et de la maison de Dieu », oui, et tous des membres d'un seul corps. Et c'est pourquoi, pendant que notre pasteur dit la prière qui est faite au nom de nous tous, nous devons prêter une oreille attentive aux mots qu'il prononce et supplier dans notre cœur que la main de Dieu accorde les choses qui sont demandées avec des paroles. Et pour signifier que nous le faisons bien, nous disons « Amen » à la fin de la prière qu'il fait en notre nom à tous. Et nous ne pouvons pas faire cela, pour notre édification, à moins de comprendre ce qui est dit. C'est pourquoi la nécessité requiert que la prière commune soit faite dans une langue comprise par ceux qui écoutent. S'il a jamais été toléré d'employer des langues étrangères dans la congrégation, la même chose a pu arriver à l'époque de Paul et des autres Apôtres, quand ils reçurent miraculeusement le don des langues. Car cela a alors pu persuader quelques-uns d'adhérer à l'Évangile, pour avoir entendu des hommes qui étaient des Hébreux sans instruction, parler le grec, le latin et d'autres langages. Mais Paul pensait-il qu'il soit tolérable, alors comme maintenant, qu'un homme parvienne à la connaissance des langues autrement que par une étude sérieuse et appliquée ? Dieu l'a interdit, car nous amènerions par ce moyen tous nos exercices d'Église à une superstition frivole, les rendant par là sans fruit.
Luc a écrit que quand Pierre et Jean furent renvoyés par les princes et les grands prêtres de Jérusalem, « Ils rejoignirent leurs amis et leur dirent tout ce que les princes des prêtres et les anciens leur avaient dit. En entendant cela, ils élevèrent ensemble leur voix à Dieu d'un commun accord et dirent : ‘Seigneur, Tu es Celui qui as fait les cieux et la terre, la mer et toutes les choses qui sont dedans, etc.’ ». Ils n'auraient pas pu le faire s'ils avaient prié dans une langue étrangère qu'ils n'auraient pas comprise. Et à n'en pas douter, ils ne parlaient pas tous avec des voix divergentes, mais l'un d'entre eux parlait au nom d'eux tous, et le reste, prêtant une oreille attentive à ses paroles, y consentait, et c'est pourquoi il est dit qu'« ils élevèrent ensemble leur voix ». St Luc ne dit pas « leurs voix » au pluriel, mais « leur voix » au singulier. Cette voix unique [s'exprimait] donc dans un langage qu'ils comprenaient tous, sans quoi ils n'auraient pas pu l'élever avec le consentement du cœur, car nul ne peut donner son consentement à ce qu'il ne connaît pas.
Au sujet de l'époque d'avant la venue de Christ, personne n'a jamais affirmé que le peuple de Dieu ni un autre faisait ses prières ou administrait les sacrements ou les sacrifices dans une langue qu'ils ne comprenaient pas eux-mêmes. Quant à l'époque d'après Christ, jusqu'à ce que le pouvoir usurpé de Rome commence à s'étendre et force toutes les nations d'Europe à admirer le langage romain, il apparaît, selon l'avis des écrivains les plus anciens et les plus instruits, qu'aucune langue étrangère ou inconnue n'était employée dans la congrégation des Chrétiens.
Justin Martyr, qui vivait autour de 160 ans après Christ, dit ceci de l'administration de la Cène du Seigneur, à son époque : « Le dimanche, on tient des assemblées, [réunissant] à la fois ceux qui habitent dans les villes et ceux qui habitent dans la campagne ; parmi eux, autant qu'ils soient, on lit les écrits des Apôtres et des prophètes. Ensuite, quand le lecteur a fini, le chef des serviteurs fait une exhortation, les exhortant à [pour-]suivre des buts honnêtes. Après cela, nous nous levons tous ensemble et nous offrons des prières, et quand elles sont terminées, comme nous l'avons dit, du pain et du vin et de l'eau sont apportés ; alors le chef des serviteurs offre des prières et des actions de grâces de toute sa force, et le peuple répond Amen ». Ces mots étant bien considérés dans leur contexte, déclarent clairement que non seulement les Écritures étaient lues dans une langue connue, mais aussi que la prière était faite de même, dans les congrégations du temps de Justin.
Basile le Grand et Jean Chrysostome ont édicté des ordonnances d'administration publique de leur temps, qu'ils appelaient «liturgies», qui imposaient au peuple de répondre aux prières du serviteur, parfois avec un Amen, parfois avec un « Seigneur, aie pitié de nous », parfois avec « Et avec ton esprit », et « Nos cœurs sont élevés vers le Seigneur, etc. », [et] le peuple n'aurait pas pu faire ces réponses en temps opportun si les prières n'avaient pas été faites dans une langue qu'il comprenait. Le même Basile, écrivant au clergé de Nouvelle Césarée, dit ceci au sujet de cet usage dans la prière commune : « Quelqu'un étant désigné pour entonner le chant, le reste suit, et la nuit se passe ainsi en divers chants et prières jusqu'au lever du jour, tous ensemble, comme d'une même bouche et d'un même cœur, ils chantent au Seigneur un chant de confession, chacun développant à son [propre] sujet des paroles concordantes de repentance ». Dans un autre passage, il dit : « Si la mer est belle, comment l'assemblée de la congrégation n'est-elle pas encore plus belle, dans laquelle un son uni d'hommes, de femmes et d'enfants, comme des vagues battant le rivage, est envoyé à Dieu dans nos prières ? » Notez ses mots : « un son uni », dit-il, « d'hommes, de femmes et d'enfants » est impossible à moins qu'ils ne comprennent tous la langue dans laquelle la prière est faite. Et Chrysostome, à propos des paroles de Paul, a dit qu'aussitôt que le peuple entend ces mots « pour les siècles des siècles », il répond un « Amen » uniforme. Ils n'auraient pas pu le faire, sans comprendre les paroles dites par le prêtre.
Dionysos dit que des hymnes étaient dites par a multitude entière du peuple, lors de l'administration de la communion.
Cyprien a dit : « Le prêtre prépare les esprits des frères avec une préface avant la prière, en disant : "Élevez vos cœurs", et pendant que le peuple répond "Nos cœurs sont élevés vers le Seigneur", ils sont invités à ne penser à rien d'autre qu'au Seigneur ».
St Ambroise, commentant les paroles de St Paul, dit : « C'est ce qu'il a dit, parce que celui qui parle dans une langue inconnue parle à Dieu, car Il sait tout, mais les hommes ne le savent pas et il n'y a donc aucun profit en cela ». Et encore ceci : « Si tu bénis (ou rends grâce) avec l'esprit, comment l'ignorant qui est dans la salle dira-t-il Amen à ton action de grâces, voyant qu'il ne comprend pas ce que tu as dit ? ». « C'est », dit Ambroise, « comme si tu dis la louange de Dieu dans une langue inconnue de ceux qui écoutent. Car les ignorants, entendant une chose qu'ils ne comprennent pas, ne savent pas quand la prière finit et ne répondent pas Amen, ce mot étant équivalent à 'vérité', afin que la bénédiction ou l'action de grâce puisse être confirmée. Car la confirmation de la prière est accomplie par ceux qui répondent 'Amen', afin que tout ce qui a été dit soit confirmé dans l'esprit de ceux qui écoutent par un témoignage de vérité ». Et après de nombreuses paroles de poids, et dans la même visée, il dit « La conclusion est celle-ci, que rien ne doit être fait en vain dans l'église, et qu'on doit surtout œuvrer à ce que les ignorants puissent en tirer profit, afin qu'aucun membre du corps ne soit assombri par l'ignorance ». Et afin que nul ne pense que tout ceci soit dit à propos de la prédication et pas de la prière, il saisit l'occasion de ces paroles de St Paul : « S'il n'y a pas d'interprète, qu'il garde le silence dans l'église » pour dire ce qui suit : « Qu'il prie secrètement ou parle à Dieu, qui entend toute parole muette, car si on doit parler dans l'église, cela doit profiter à tous ».
St Jérôme, commentant ces paroles de St Paul : « Comment l'ignorant qui est dans la salle dira-t-il Amen à ton action de grâces, etc. » a dit : « Paul comprend ici que c’est le laïc qui n'a pas d'office ecclésial qui est à la place de l'ignorant. Comment répondra-t-il Amen à une prière qu'il ne comprend pas ? » Et un peu plus loin, commentant ces paroles de St Paul : « Car si je prie dans une langue, etc. », il dit ceci : « Voici ce que Paul veut dire ; si un homme parle dans une langue étrange et inconnue, son esprit est sans fruit, non pour lui-même, mais pour celui qui écoute, car quoi qu'il soit dit, il n'en sait rien ».
St Augustin, commentant le psaume 18, dit : « Que devons-nous comprendre, sinon que nous pouvons chanter avec la raison humaine, et pas en un piaillement d'oiseaux. Car les hommes se targuent d'apprendre aux mainates, aux perroquets, aux corbeaux et aux pies et autres oiseaux [à imiter] ce qu'ils ne connaissent pas ; mais chanter en comprenant est donné à la nature humaine par la sainte volonté de Dieu ». Et le même Augustin dit encore : « Point n'est besoin de discours quand nous prions, excepté peut-être pour en déclarer le sens, non pas pour que Dieu les entende, mais les hommes, et qu'ils soient ainsi mémorisés en consentant avec le prêtre à dépendre de Dieu.
Ainsi, aussi bien les Écritures et les anciens docteurs nous enseignent que dans l'administration de la prière commune et des sacrements, aucune langue inconnue des assistants ne doit être employée. De telle sorte que pour satisfaire la conscience d'un Chrétien, nous n'avons pas besoin de passer plus de temps à ce sujet. Cependant, pour fermer la bouche des adversaires qui s'en remettent trop à des décrets d'ordre général, il sera bon d'ajouter à ces témoignages des Écritures et des docteurs une constitution faite par l'empereur Justinien, qui vivait 527 ans après Christ et était empereur de Rome. La constitution est celle-ci : « Nous commandons à tous les évêques et les prêtres célébrant la sainte oblation et les prières du saint baptême, de ne pas parler bas mais d'une voix claire et forte, que le peuple puisse entendre, afin que par là l'esprit de ceux qui écoutent soit élevé à une grande dévotion en prononçant les louanges de Dieu. Car le saint Apôtre enseigne ceci dans sa 1ère épître aux Corinthiens : "En vérité, si tu bénis (ou rends grâces) en esprit, comment ceux qui sont à la place des ignorants diront-ils Amen à ton action de grâces à Dieu ? Car il ne comprend pas ce que tu dis. Tu rends bien grâces, mais l'autre n'est pas édifié." Et il dit encore dans l'épître aux Romains: "Avec le cœur un homme croit à justice, et avec la bouche il confesse à Salut." C'est donc pour ces motifs qu'il convient que parmi d'autres prières, les choses qui sont dites lors de la sainte oblation soit prononcées et dites par les très religieux évêques et prêtres à notre Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu avec le Père et le Saint-Esprit, à haute voix. Et que les très religieux prêtres sachent ceci, que s'ils négligent une de ces choses, ils en rendront compte pour eux-mêmes au terrible jugement du grand Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ, et que nous non plus, en l'apprenant, ne resterons pas sans rien faire ni ne les laisserons impunis ». Cet empereur, comme Sabellicus l'écrivit, appréciait l'évêque de Rome, et cependant nous voyons combien son décret est clair à propos de la prière et de l'administration des sacrements dans une langue connue, afin que la dévotion de ceux qui écoutent soit augmentée par la connaissance, contrairement au jugement de ceux qui voudraient que l'ignorance soit rendue dévote. Il fait aussi un motif de damnation de faire ces choses dans une langue que ceux qui écoutent ne comprennent pas. Concluons donc, avec Dieu et avec l'accord de tous, qu'aucune prière commune ni sacrement ne doit être administré dans une langue qui n'est pas comprise de ceux qui écoutent.
Un mot ou deux maintenant sur la prière privée dans une langue inconnue. Revenons à ce que nous avons commencé à dire sur ce sujet, non seulement pour prouver qu'aucune prière commune ni administration de sacrement ne doit être faite dans une langue inconnue de ceux qui écoutent, mais aussi que nul ne doit prier en privé dans une langue qu'il ne comprend pas lui-même. Ceci ne sera pas dur à prouver, si nous n'oublions pas ce qu'est la prière. Car si la prière est cette dévotion de l'esprit qui force le cœur à s'élever à Dieu, comment peut-on dire que cette personne prie si elle ne comprend pas les mots que sa langue prononce en priant ? Oui, peut-on dire de quoi il parle ? Car parler est proférer de la voix les pensées de l'esprit, et la voix dont un homme se sert en parlant n'est rien d'autre que la messagère de l'esprit, pour exprimer ce qui autrement reste un secret du cœur et ne peut être su, selon ce que St Paul a écrit : « Qui », dit-il, « sait les choses qui relèvent de lui-même, excepté l'esprit humain qui est dans l'homme ? » C'est pourquoi on ne peut pas proprement dire que celui qui ne comprend pas le son de ce que sa langue prononce parle, mais qu'il fait semblant, comme les perroquets et d'autres oiseaux semblables imitent la voix humaine. C'est pourquoi nul homme qui craint de provoquer la colère de Dieu contre lui-même ne sera assez audacieux pour parler à Dieu de façon insensée, sans égard pour une compréhension révérencieuse, dans Sa présence, mais il préparera son cœur avant de présumer parler à Dieu. Et pour cette raison, dans notre prière commune, le ministre dit souvent « Prions », voulant par là inviter le peuple à se préparer à entendre ce qu'il va demander à Dieu, à y consentir, et à y répondre Amen à la fin. Le prophète David a préparé son cœur de cette manière quand il a dit : « Mon cœur est prêt, ô Dieu, mon cœur est prêt, je chanterai et je dirai un psaume ». Les Juifs aussi, au temps de Judith, ont prié Dieu de tout leur cœur de visiter Son peuple Israël ; ils avaient préparé leur cœur ainsi avant de commencer à prier. Manassé avait préparé son cœur de même avant de prier en disant : « Et maintenant, ô Seigneur, j'agenouille mon cœur, Te demandant une part de Ta miséricordieuse bonté ». Quand le cœur est ainsi préparé, la voix qui vient du cœur est harmonieuse aux oreilles de Dieu. Autrement Il n'y fait pas attention, Il ne l'accepte pas ; mais dans la mesure où la personne qui bredouille des paroles dépourvues de sens dans la présence de Dieu se montre elle-même sans respect pour la majesté de Celui à qui il parle, Il le prend comme un mépris de Sa majesté toute-puissante, et lui donne sa récompense parmi les hypocrites, à celui qui montre une sainteté extérieure mais dont le cœur est plein de pensées abominables, même quand il prie. Car Dieu regarde au cœur, comme il est écrit au livre des Rois. Si nous voulons donc que nos prières ne soient pas abominables devant Dieu, préparons notre cœur avant de prier et comprenons ce que nous demandons quand nous prions, afin qu'aussi bien notre cœur que notre voix, puissent résonner ensemble aux oreilles de Sa majesté Dieu, et alors nous ne manquerons pas de recevoir de Sa main les choses que nous demandons, comme de bonnes personnes l'ont fait avant nous, et ont reçu de temps à autre et pour la santé de leur âme, ce qu'elles désiraient.
St Augustin semblait d'accord à ce sujet, car il a dit de ceux qui, étant élevés dans la gram-maire et la rhétorique, sont convertis à Christ et doivent donc être instruits dans la religion chrétienne : « Qu'ils sachent aussi », dit-il, « que ce n'est pas la voix mais le mouvement de l'esprit qui parvient aux oreilles de Dieu. Et il arrivera que s'ils remarquent par hasard que quelque évêque ou ministre invoque Dieu dans l'église avec une voix discordante, ou qu'il ne comprend pas, ou qu'il n'articule pas les mots qu'il prononce, ils se moqueront avec dédain ». Ici, il semble approuver la prière dans une langue inconnue, mais il nous ouvre sa pensée avec la phrase qui suit : « Non pas parce que ces chose ne doivent pas être corrigées, afin que le peuple puisse dire Amen à ce qu'il comprend clairement. Mais ces choses doivent être pieusement portées par tous les catéchistes ou instructeurs de la foi, afin qu'ils apprennent que comme dans les lieux publics où les causes sont plaidées, la justesse d'une oraison consiste dans la voix, et qu'elle consiste dans l'église en une dévotion ». Il ne permet donc pas qu'on prie dans une langue incomprise de celui qui prie, mais il donne instruction à l'orateur de parler avec la grosse [voix et la] langue du dévot et simple ministre.
Pour conclure, si le manque de compréhension des paroles qui sont dites dans la congrégation les rend sans fruit pour ceux qui écoutent, comment la même incompréhension ne rendrait-elle pas sans fruit les paroles lues par le lecteur ? La miséricordieuse bonté de Dieu nous accorde la grâce de L'invoquer comme il faut, à Sa gloire et à notre félicité éternelle, ce que nous ferons si nous nous humilions à Ses yeux et dans toutes nos prières, communes et privées, si nous avons notre esprit entièrement fixé sur Lui. « Car la prière de ceux qui s'humilient traverse les nuages, et il n'y sera pas répondu avant qu'elle ne s'approche de Dieu, et la réponse ne partira pas [de là] avant que le Très Haut ne l'écoute. Et le Seigneur ne sera pas mou, mais Il prononcera et exécutera un juste jugement ». C'est pourquoi, à Lui soient tout honneur et toute gloire, pour les siècles des siècles. Amen.