25-De la Passion du Christ
25-De la Passion du Christ
II-13. De la Passion du Christ
Sermon pour le vendredi saint
{56} 1. Nous ne devrions pas, bien-aimés en Christ, souffrir dans cette vie de mourir sans avoir médité ni fait mémoire de cette excellente œuvre de notre rédemption, nous qui sommes le peuple qui a été racheté du diable, du péché, de la mort et de la damnation éternelle, à cette même époque de l'année, par la grande miséricorde et la charité de notre Sauveur Jésus-Christ, nous qui étions de misérables pécheurs et Ses ennemis mortels. Car si on fait mémoire d'un mortel qui a fait du bien à la communauté pour notre avantage et notre profit, combien plus devrions-nous avoir présents à l'esprit l'action excellente et le profit que nous apporte la mort de Christ, par laquelle Il a acquis pour nous le sûr pardon de nos péchés, en apaisant le Père des cieux à notre égard, d'une manière telle qu'Il nous prend maintenant comme Ses enfants aimants et pour de véritables héritiers du royaume des cieux, avec Christ, son Fils [unique] engendré !
Et en vérité, la bonté de Christ nous apparaît encore plus en ce qu'il Lui a plu de renoncer Lui-même à tout Son honneur divin, qu'Il partageait à égalité avec Son Père dans les cieux, et de descendre dans cette vallée de misère, afin de devenir un homme mortel et de Se mettre dans la situation d'un très modeste serviteur, nous servant à notre profit et avantage, dis-je, nous qui étions Ses ennemis jurés, qui avions renoncé à Sa sainte Loi et à Ses saints Commandements, pour suivre dans le péché les envies et les plaisirs de notre nature corrompue ; et cependant, dis-je, Christ S'est placé entre la colère méritée de Dieu et notre péché et Il a déchiré l'obligation par laquelle nous étions en danger vis à vis de Dieu, et Il a payé notre dette. Notre dette était beaucoup trop grande pour que nous puissions la payer, et sans ce payement Dieu le Père ne nous aurait jamais acceptés, et il n'était pas possible que nous nous dégagions de notre dette de par notre propre capacité. Il Lui a donc plu de la payer et de nous en libérer en nous acquittant.
Qui peut maintenant considérer la grave dette du péché qui ne peut pas être payée autrement que par la mort d'un innocent, sans détester le péché dans son cœur ? Si Dieu déteste tant le péché qu'Il ne permet ni à un homme ni à un Ange de le racheter, mais seulement par la mort de Son Fils unique bien-aimé, qui n'en sera pas saisi de crainte ? Si nous considérons, mes amis, que cet Agneau très innocent fut conduit à la mort pour nos péchés, nous n'en n'aurions que plus de motifs de nous lamenter d'avoir été la cause de Sa mort que de nous récrier de la malice et de la cruauté des Juifs qui L'ont poursuivi à mort. Nous avons commis les actions pour lesquelles Il fut ainsi frappé et blessé ; ils n'étaient que les ministres de notre méchanceté.
Il convient que nous nous humilions fort bas dans notre cœur et que nous nous lamentions de notre propre méchanceté et de notre vie de péché. Soyons certains que si le très cher et bien-aimé Fils de Dieu fut puni de la sorte et frappé pour un péché qu'Il n'avait pas commis Lui-même, com-bien plus devrions-nous être endoloris d'être frappés pour les multiples péchés quotidiens que nous commettons contre Dieu, si nous ne nous en repentons pas sérieusement et si nous n'en sommes pas [sincèrement] désolés. Nul ne peut aimer le péché, que Dieu déteste tant, et jouir de Sa faveur. Nul ne peut dire qu'il aime vraiment Christ, et rester un familier et un ami de Son pire ennemi, le péché (je veux dire : l'auteur de Sa mort). Nous ne L'aimons qu'autant que nous détestons le péché. Nous devons donc grandement prendre garde à ne pas l'apprécier, sauf à être trouvés ennemis de Dieu et traîtres à Christ. Car non seulement ceux qui ont cloué Christ sur la croix sont Ses bourreaux, mais aussi tous ceux qui crucifient encore le Fils de Dieu, comme le dit St Paul, autant qu'ils sont à commettre le péché et le vice qui L'ont conduit à la mort. Si le salaire du péché c'est la mort, et la mort éternelle, être à son service n'est sûrement pas un petit danger. Si nous vivons selon la chair et selon ses désirs peccamineux, St Paul nous menace, oui, Dieu Tout-Puissant nous menace dans St Paul, de mourir de façon sûre et certaine. Nous ne pouvons pas vivre pour Dieu sans mourir au péché. « Si Christ est en nous le péché est mort en nous, et si l'Esprit de Dieu qui a ressuscité Christ de la mort à la vie est en nous, ce même Esprit nous ressuscitera pour une vie éternelle ». Mais si le péché règne en nous, alors Dieu, qui est la source de toute grâce et de toute vertu, nous quitte ; alors le diable et ses esprits malfaisants règnent en nous et nous dominent. Et si nous mourons en un si misérable état, il est certain que nous ne ressusciterons pas pour la vie mais que nous tomberons dans la mort et la damnation, éternellement.
Car Christ ne nous a pas rachetés du péché pour que nous y retournions, mais Il nous a rachetés pour que nous l'abandonnions et vivions droitement. Oui, nous avons été lavés par notre baptême de la saleté du péché afin de vivre ensuite dans la pureté de vie. Dans le baptême, nous avons promis de renoncer au diable et à ses suggestions, nous avons promis d'être comme des enfants obéissants qui suivent toujours la volonté et le plaisir de Dieu. Alors, s'Il est vraiment notre Père, donnons-Lui l'honneur qui Lui est dû. Si nous sommes Ses enfants, montrons-Lui notre obéissance, comme Christ a clairement manifesté Son obéissance à Son Père, selon ce que St Paul écrit : « Il était obéissant, jusqu'à la mort même, et à la mort sur la croix ».
Et Il a fait cela pour nous tous qui croyons en Lui. Car Il n'a pas été puni pour Lui-même, étant pur et préservé du péché sous toutes ses formes. « Il a été blessé », dit Ésaïe, « pour notre méchanceté et fouetté pour nos péchés », il en a subi la peine pour nous délivrer du danger. « Il a porté », dit Ésaïe, « toutes nos douleurs et infirmités sur Ses propres épaules », Il n'a refusé de subir aucune peine en Son corps afin de nous délivrer de la peine éternelle. Il Lui a plu de faire cela pour nous. C'est pourquoi, plus nous prenons conscience de ce que nous Lui devons, plus il faut L'en remercier, oui, et plus nous avons l'espérance de recevoir de Sa main toutes les autres bonnes choses après avoir reçu de Sa libéralité le don de Son Fils unique. Car si Dieu, dit St Paul, n'a pas épargné à Son propre Fils la peine et la punition, mais qu'Il La livré à la mort pour nous tous, comment ne nous donnerait-Il pas tous les autres biens, avec Lui ? Si nous voulons quoi que ce soit pour notre corps ou notre âme, nous pouvons licitement oser nous approcher de Dieu en tant que notre Père miséricordieux, pour demander ce que nous désirons, et nous l'obtiendrons. Car tel est le pouvoir qui nous est donné : « d'être les enfants de Dieu, autant qu'il y en a qui croient au Nom de Christ ». Quoi que nous demandions en Son Nom, cela nous sera accordé. Car cela plaît tant au Père, Dieu Tout-Puissant, et à Christ Son Fils, que pour l'amour de Lui Il nous favorise et ne nous refuse rien. Le sacrifice et l'oblation de la mort de Son Fils, qu'Il a subis dans l'obéissance, Lui qui était innocent, Il les prend comme l'unique et complète compensation pour tous les péchés du monde. Et Il a acquis auprès de Son Père une telle faveur pour nous par Sa mort, que par Ses mérites (si nous sommes de vrais Chrétiens en fait, et pas seulement en paroles), nous sommes maintenant pleinement dans la grâce de Dieu et acquittés de notre péché.
Aucune langue, c'est sûr, n'est capable d'exprimer la valeur d'une mort si précieuse. Car elle porte en elle le pardon de toutes nos offenses quotidiennes, notre justification, notre acceptation, et la santé éternelle de notre âme à tous ; oui, « Il n'y a rien d'autre qu'on puisse nommer sous le ciel, pour sauver notre âme », sinon cette unique œuvre de l'offrande précieuse de Christ en Son corps sur l'autel de la croix. Certes, aucune œuvre d'homme mortel, si saint soit-il, ne peut se comparer aux mérites de la sainte action de Christ. Car il n'y a aucun doute que toutes nos pensées et nos actes sont sans valeur s'ils ne sont pas validés par les mérites de la mort de Christ. Toute notre justice est très imparfaite si on la compare à la justice de Christ. Car en Ses actes et actions il n'y avait aucune tache de péché ou d'imperfection (et à cause de cela ils étaient plus capable d'être les vraies compensations pour notre injustice), tandis que nos actes et actions sont pleins d'imperfections et de défauts, et ne valent donc rien pour mériter la faveur de Dieu, et encore moins pour prétendre à la gloire qui est due aux actions et aux mérites de Christ, et non pas à nous, dit David, « Pas à nous, mais à Ton Nom donne la gloire, ô Seigneur ».
Glorifions donc Son Nom, chers amis, en toute révérence, magnifions-Le et louons-Le toujours. Car Lui qui a agi pour nous selon sa grande miséricorde, a acquis par Lui-même notre rédemption. Il a pensé qu'il n'était pas suffisant de Se ménager, en envoyant son Ange pour ce faire, mais que ce serait mieux fait s'Il le faisait Lui-même et que notre rédemption n'en serait que plus parfaite. Il ne s'est pas arrêté aux douleurs intolérables qu'Il a subies tout au long de Sa longue passion, Il ne s'est pas repenti de faire du bien à Ses ennemis, mais Il a ouvert son cœur pour nous et S'est offert entièrement pour [payer] notre rançon. Ouvrons-Lui donc notre cœur et étudions-nous à être reconnaissants à un tel Seigneur par notre vie, et soyons éternellement conscients d'un si grand avantage.
Oui, prenons notre croix avec Christ et suivons-Le. Sa passion n'est pas seulement la rançon et l'amende complète pour notre péché, mais c'est aussi un exemple parfait pour toute patience dans la souffrance. Car si « Christ S'est comporté ainsi pour souffrir et entrer dans la gloire » de Son Père, comment ne nous incomberait-il pas de supporter nos petites croix dans l'adversité et les ennuis de ce monde ? Car il est sûr, comme dit St Pierre, que « Christ a souffert pour nous laisser un exemple à suivre et marcher dans Ses pas ». Et « Si nous souffrons avec Lui, nous serons également sûrs de régner avec Lui » dans le ciel. « Non que les souffrances de cette vie transitoire méritent la gloire à venir », mais nous devrions être joyeux et contents de souffrir, pour être semblables à Christ dans notre vie, et qu'ainsi nous « glorifions notre Père qui est dans les cieux » par nos œuvres. Et autant il est douloureux et pénible de porter la croix de Christ à travers les douleurs et les contrariétés de cette vie, autant cela apporte le fruit joyeux de l'espérance à tous ceux qui s'y sont exercés. Ne regardons pas tant à la douleur qu'à la récompense qui suivra cet effort.
Non, engageons-nous plutôt à supporter la souffrance, même en étant innocents et sans faute, comme Christ notre Sauveur le fit. Car si nous souffrons en vue de mériter quelque chose, alors notre patience ne travaille pas parfaitement en nous, mais si nous supportons la perte de nos biens et de la vie sans mériter [quoi que ce soit], si nous tolérons qu'on parle mal de nous pour l'amour de Christ, c'est une action de grâce [offerte] à Dieu, car Christ a souffert ainsi. « Il n'a jamais péché, et aucune ruse n'a été trouvée dans Sa bouche. Oui, quand Il fut insulté et raillé, Il n'a pas insulté en retour ; quand Il fut maltraité à tort, Il n'a pas fait usage de menaces » ni cherché à Se venger, « mais Il a confié Sa cause à Celui qui juge droitement ». Une patience parfaite ne se soucie pas de ce qu'elle souffre ni combien, ni par qui elle souffre, si c’est du fait d'un ami ou d'un ennemi ; mais elle s'efforce de supporter la souffrance de façon innocente, même non méritée. Oui, celui en qui la charité est parfaite se soucie si peu de revanche, qu'il s'efforce plutôt à « rendre le bien pour le mal, à bénir et dire du bien de ceux qui le maudissent, à prier pour ceux qui le persécutent », selon l'exemple de Christ notre Sauveur, qui est le plus parfait exemple et le modèle de toute douceur dans la souffrance. Lui qui, pendu à la croix et dans une très forte angoisse, saignant de toutes les parties de Son corps béni, placé au milieu de Ses ennemis et bourreaux, et malgré les douleurs intolérables qu'ils Lui voyaient, moqué et méprisé par dépit sans aucune espèce de compassion, Il avait cependant envers eux une telle compassion dans Son cœur, qu'Il priait Son Père du ciel pour eux en disant : « Ô Père, pardonne-leur. Car ils ne savent pas ce qu'ils font ». Quelle patience aussi était celle qu'Il a montrée quand un de Ses propres Apôtres et serviteurs, en qui Il avait confiance, vint à le trahir auprès de Ses ennemis mortels ! Le pire qu'Il lui dit fut : « Ami, pour quoi es-tu venu ? ».
Nous devrions nous souvenir, bonnes gens, des grands exemples de la charité que Christ a manifestée dans Sa passion, si nous nous rappelons Sa passion d'une façon profitable. Nous devrions nous porter une telle charité et un tel amour les uns aux autres si nous sommes de vrais serviteurs de Christ. « Car si nous n'aimons que ceux qui nous aiment » et disent du bien de nous, « faisons-nous une grande chose ? » dit Christ ; les païens et les pécheurs publics n'en font-ils pas autant? Nous devons être plus parfaits qu'eux en charité, « même comme notre Père du ciel est parfait, Lui qui fait lever la lumière de Son soleil sur les bons et les mauvais, et envoie Sa pluie sur les doux et les méchants ». C'est de cette façon que nous devons montrer notre charité, indifféremment à tous, aux uns comme aux autres, aussi bien aux amis qu'aux ennemis, comme des enfants obéissants, suivant l'exemple de notre bon Père du ciel. Car si Christ a obéi à Son Père jusqu'à la mort, et à la mort la plus ignominieuse (comme le pensaient les Juifs), la mort de la croix, pourquoi ne serions-nous pas obéissants à Dieu sur les plus petits sujets de la charité et de la patience ?
Pardonnons donc à notre prochain ses petites fautes, comme Dieu nous a pardonné nos grandes [fautes] pour l'amour de Christ. Il ne convient pas que nous suppliions Dieu de nous par-donner nos grandes offenses et que nous ne passions pas l'éponge sur les petites transgressions de notre prochain à notre égard. Nous implorons la miséricorde en vain si nous ne manifestons pas de la miséricorde envers notre prochain. Car si nous ne chassons pas la colère et le mécontentement de notre cœur dans [nos rapports avec] nos frères Chrétiens, Dieu ne nous pardonnera pas plus le mécontentement et la colère que nos péchés ont mérités devant Lui. Car c'est à cette condition que Dieu nous pardonne : si nous pardonnons aux autres. Il n'est pas convenable que des Chrétiens soient durs les uns avec les autres, ni qu'ils pensent que leur prochain est indigne d'être pardonné. Car aussi indigne qu'il en soit, Christ est cependant digne que tu le fasses pour l'amour de Lui ; Il a mérité de toi que tu pardonnes à ton voisin. Et aussi Dieu doit être obéi, quand Il nous commande de pardonner, si nous voulons avoir part au pardon que Christ notre Sauveur a acquis de Dieu le Père en répandant Son précieux sang. Rien ne convient mieux aux serviteurs de Christ que la miséricorde et la compassion.
Ayons donc de la faveur les uns pour les autres, et prions les uns pour les autres, afin que nous soyons guéris de toutes nos fragilités dans la vie, que nous nous offensions moins les uns les autres, et que nous soyons une seule pensée et un seul esprit, d'un commun accord dans l'amour fraternel et dans la concorde, comme des enfants chéris de Dieu. Par ce moyen, nous inciterons Dieu à être miséricordieux pour nos péchés. Oui, et nous n'en serons que plus prêts à recevoir notre Créateur et Sauveur dans Son sacrement béni, pour notre réconfort éternel et la santé de notre âme. Christ s'est réjoui d'entrer et de demeurer dans une âme où l'amour et la charité règnent et où l'on voit de la paix et de la concorde. Car voici ce qu'écrit St Jean : « Dieu est charité ; celui qui demeure dans la charité demeure en Dieu, et Dieu en lui. Et par là », dit-il, « nous saurons que nous sommes en Dieu, si nous nous aimons les uns les autres. Mais celui qui déteste son frère », dit le même Apôtre, « demeure dans la mort », et il est même en danger de mort éternelle ; et il est de plus l'enfant de la damnation et du diable, maudit de Dieu et détesté de Dieu et de toute Sa compagnie céleste tant qu'il reste ainsi. Car comme la paix et la charité font de nous des enfants bénis de Dieu Tout-Puissant, la haine et l'envie font de nous de maudits enfants du diable.
Dieu nous donne la grâce de suivre l'exemple de Christ en matière de paix et de charité, de patience et de souffrance, afin que nous puissions maintenant Le recevoir en nous comme un invité, de telle sorte que nous soyons en pleine sécurité, ayant un tel gage de notre Salut. Si nous L'avons Lui et Sa faveur, nous pouvons être sûrs que nous avons par ce moyen la faveur de Dieu. Car Il siège à la droite de Son Père, comme notre protecteur et avocat, plaidant et menant la procédure pour nous dans tous nos besoins et nécessités. C'est pourquoi si nous voulons [recevoir] un quelconque don de sagesse divine, nous pouvons le demander à Dieu pour l'amour de Christ, et nous l'obtiendrons.
Considérons et examinons nous-mêmes ce qui nous manque concernant cette vertu de charité et de patience. Si nous constatons que notre cœur n'est en rien enclin à pardonner à ceux qui nous ont offensés, alors prenons conscience de notre manque et souhaitons que Dieu nous le donne. Mais si nous le voulons et que nous ne voyons en nous aucun désir en ce sens, nous sommes en vérité dans une situation dangereuse devant Dieu et nous avons besoin de faire une très sérieuse prière à Dieu afin que notre cœur soit changé, et qu'un [cœur] neuf nous soit greffé. Car à moins que nous pardonnions aux autres, nous ne serons jamais pardonnés par Dieu. Non, toutes les prières que nous pouvons faire à Dieu ni nos mérites ne peuvent L'apaiser, à moins que nous ne soyons en paix et en union avec notre prochain ; toutes nos actions et nos œuvres bonnes ne peuvent inciter Dieu à nous pardonner et à oublier notre dette envers Lui, sauf si nous pardonnons aux autres. Il est plus à cheval sur la miséricorde que sur les sacrifices. La miséricorde a poussé Christ notre Sauveur à souffrir pour Ses ennemis ; il nous faut donc suivre Son exemple. Car il ne nous servira pas à grand-chose de méditer sur les fruits et le prix de Sa passion, de les magnifier et de nous y complaire ou de nous y fier, sauf si nous avons à l'esprit l'exemple de Sa passion, afin de L'imiter. Et pour cette raison, si nous considérons la mort de Christ et nous y adhérons avec une foi ferme avec Ses mérites, et si nous nous y conformons de façon à nous sacrifier avec tout ce que nous avons par charité, pour le bien de notre prochain, comme Christ S'est entièrement offert Lui-même pour notre avantage, alors souvenons-nous vraiment de la mort de Christ, et marchant ainsi dans les pas de Christ, nous serons assurés de Le suivre là où Il siège maintenant avec le Père et le Saint-Esprit. À qui soient tout honneur et toute gloire. Amen.
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{57} 2. Afin que nous comprenions mieux la grande miséricorde et la bonté de Christ notre Sauveur pour avoir subi la mort pour tous les hommes, universellement, il nous faut descendre au fond de notre conscience et considérer profondément la première et principale cause pour laquelle Il a été obligé de le faire.
Quand notre ancêtre Adam a enfreint le commandement de Dieu en mangeant le fruit qui lui était défendu dans le paradis, sur la suggestion de sa femme, il a acquis par là, non seulement pour lui-même mais aussi pour toute sa postérité, à jamais, la juste colère et l'indignation de Dieu, qui, selon la sentence qu'Il a prononcée en donnant ce commandement, l'a condamné lui et tous les siens à la mort éternelle, tant du corps que de l'âme. Car il lui avait été dit : « Tu mangeras librement de chaque arbre du jardin, mais en ce qui concerne l'arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne t'aviseras pas d'en manger, car à l'heure même où tu en mangeras tu mourras de mort [certaine] ». Et ce que Dieu avait dit arriva. Adam prit sur lui d'en manger, et en faisant cela il mourut de mort [certaine], c'est à dire qu'il devint mortel, il perdit la faveur de Dieu, il fut jeté hors du paradis, il n'était plus un citoyen des cieux, mais un brandon de l'enfer et un esclave du diable. Notre Sauveur témoigne de cela dans l'Évangile, lorsqu'Il nous appelle des « brebis perdues », qui ont dévié et se sont éloignées du véritable berger de nos âmes. St Paul aussi témoigne de cela, en disant que « par l'offense du seul Adam, la mort est venue sur tous les hommes avec la condamnation ». De telle sorte que ni lui ni aucun des siens n'avait de droit ni de part dans tout le royaume des cieux, mais ils sont devenus clairement des réprouvés et des rejetés, perpétuellement damnés aux peines perpétuelles de l'enfer.
Dans sa grande misère, si l'humanité avait pu se rétablir et obtenir le pardon des mains de Dieu, alors cette affaire aurait été plus tolérable, parce qu'elle aurait tenté en quelque sorte de se délivrer de la mort éternelle. Mais cela ne lui était plus possible, elle ne pouvait rien faire qui puisse apaiser la colère de Dieu, elle était inutile sur ce point, « il n'y avait personne qui fasse le bien, non, personne ». Et comment dès lors pouvait-elle opérer son propre Salut ? Pouvait-elle apaiser le grand mécontentement de Dieu en offrant des sacrifices par le feu, comme il était ordonné dans l'ancienne Loi ? En offrant le sang des bœufs, le sang des veaux, le sang des boucs, le sang des agneaux et ainsi de suite ? Oh, ces choses n'avaient aucune puissance et aucune force pour ôter les péchés ; elles ne pouvaient pas éloigner la colère de Dieu, ni ramener l'humanité en Sa faveur ; elles n'étaient que les figures et les ombres des choses à venir, et rien d'autre. Lisez l'épître aux Hébreux, vous y trouverez ce sujet largement développé, vous y apprendrez en des termes très clairs que les sacrifices sanglants de l'ancienne Loi étaient imparfaits et incapables de délivrer l'homme de son état de damnation, en aucune façon, de telle sorte qu'en y faisant confiance, l'humanité se fiait à un poteau rompu et se trompait elle-même à la fin. Qu'aurait-elle pu faire ? Aurait-elle dû continuer à observer et à garder la Loi de Dieu divisée en deux Tables et acquérir ainsi la vie éternelle ? En fait, si Adam et sa postérité avaient été capables de satisfaire et d'accomplir parfaitement la Loi en aimant Dieu au-dessus de toute chose et leur prochain comme eux-mêmes, alors ils auraient facilement éteint la colère de Dieu et évité la terrible sentence de mort éternelle proférée contre eux par la bouche de Dieu Tout-Puissant. Car il est écrit : « Fais cela et tu vivras » ; c'est à dire, « Accomplis mes Commandements, marche droit et sois parfait en cela, selon Ma volonté ; alors tu vivras et ne mourras point ». La vie éternelle est ici promise à cette condition : de garder et d'observer la Loi. Mais l'humanité était si fragile après sa chute, sa faiblesse et son imbécillité étaient telles qu'elle ne pouvait pas marcher droit dans les Commandements de Dieu, ce qui Lui était toujours insupportable, et qu'elle manquait chaque jour et à chaque heure à son devoir, offensant le Seigneur son Dieu de diverses manières, augmentant sa condamnation au point que le prophète David s'est écrié : « Tous ont dévié, tous sont devenus inutiles, il n'y a personne qui fasse le bien, non, personne ». Dans ce cas, de quel profit aurait été la Loi ? Aucun. Car comme St Jacques l'a dit : « Celui qui observe toute la Loi et chute sur un point devient coupable sur tous [les autres ] ». Et dans le livre du Deutéronome, il est écrit : « Maudit soit », dit Dieu, « celui qui ne se conforme pas à toutes les choses qui sont écrites dans le livre de la Loi, pour les accomplir ». Voyez comment la Loi apporte une malédiction avec elle et nous rend coupables, non qu'elle soit mauvaise ou impie en soi (Dieu nous interdit de le penser), mais parce que la faiblesse de notre chair de péché est telle que nous ne pouvons jamais l'accomplir à la perfection exigée par Dieu. Adam pouvait-il dès lors, pensez-vous, espérer ou se fier à la Loi pour être sauvé ? Non, il ne le pouvait pas, mais plus il regardait à la Loi, plus il voyait sa propre damnation étalée sous ses yeux, comme sous un verre très transparent. Il était alors devenu complètement misérable, privé de toute espérance et jamais capable de calmer le grand mécontentement de Dieu dans lequel lui et sa postérité étaient tombés en désobéissant au strict commandement du Seigneur, leur Dieu.
Mais que d'abondantes richesses dans la miséricorde de Dieu ! Quelle indicible bonté dans Sa sagesse céleste ! Alors que tout espoir de justice était perdu de notre côté, alors que nous n'avions rien en nous avec quoi nous aurions pu éteindre Sa colère fumante et opérer le Salut de nos propres âmes et sortir de la situation misérable où nous étions tombés ; alors, alors même, Christ, le Fils de Dieu, sur l'ordre de Son Père, est descendu du ciel pour être blessé par amour pour nous, pour être compté parmi les méchants, pour être condamné à mort, pour prendre sur Lui la sanction de nos péchés et pour donner Son corps afin qu'il soit brisé sur la croix pour nos offenses. « Il » dit le prophète Ésaie en parlant de Christ, « a porté nos infirmités et nos peines ; le châtiment de notre paix était [retombé] sur Lui et nous sommes rétablis par Ses blessures ». St Paul dit de même : « Dieu a fait de Lui un sacrifice pour nos péchés, Lui qui n'a pas connu le péché, afin que par Lui nous soyons faits justice de Dieu ». Et St Pierre dit aussi, en parlant de cela de façon très acceptable : « Christ est mort une fois et a souffert pour nos péchés, Lui le juste pour les injustes, etc. ». On pourrait ajouter à ces passages une infinité d'autres avec le même effet, mais ces quelques-là suffiront pour cette fois.
Maintenant, comme on l'a dit au début, méditons et mesurons la cause de Sa mort, afin que nous en soyons mieux poussés à Le glorifier dans notre vie entière. Et en bref, si vous l'avez com-pris d'un mot, ce n'était rien d'autre venant de nous que la seule transgression et le péché de l'humanité. Quand l'Ange est venu prévenir Joseph de ne pas craindre de prendre Marie pour sa femme, n'a-t-il pas demandé que l'enfant soit appelé Jésus, parce qu'Il sauverait Son peuple de ses péchés ? Quand Jean Baptiste a prêché Christ et L'a montré au peuple en Le pointant du doigt, ne leur a-t-il pas dit clairement : « Voyez l'Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde » ? Quand la femme Cananéenne a supplié Christ de secourir sa fille qui était possédée par un démon, n'a-t-Il pas avoué clairement qu'Il était « envoyé pour sauver les brebis perdues de la maison d'Israël » en offrant Sa vie pour leurs péchés ? C'était donc le péché, ô homme, chaque péché, qui a été la cause de ce que Christ, le Fils unique de Dieu, soit crucifié dans la chair et subisse la plus vile et la plus insultante des morts sur la croix. Si tu avais marché droit, si tu avais observé les Commandements, si tu n'avais pas transgressé la volonté de Dieu en ton premier ancêtre Adam, alors Christ, étant la forme de Dieu, n'aurait pas pris sur Lui la forme d'un serviteur ; étant immortel dans les cieux, Il n'avait nul besoin de devenir mortel sur terre ; étant la vraie nourriture de l'âme, Il n'avait nul besoin d'avoir faim ; étant la source de l'eau de la vie, il n'avait nul besoin d'avoir soif ; étant Lui-même la vie, il n'avait nul besoin de subir la mort. Mais Il a été conduit à ces extrémités et à beaucoup d'autres par ton péché, qui est si multiple et grave que Dieu ne pouvait être contenté qu'en Lui et en nul autre.
Peux-tu penser à cela, ô pécheur, et ne pas trembler en toi-même ? Peux-tu l'entendre tranquillement, sans remords dans la conscience ni tristesse dans le cœur ? Christ a-t-il subi Sa passion pour toi sans que tu ne veuilles manifester la moindre compassion envers Lui ? Pendant que Christ était pendu sur la croix, rendant l'esprit, l'Écriture témoigne que « le voile du Temple s'est déchiré en deux », que « la terre a tremblé », que « les pierres se sont fendues », que « les tombeaux se sont ouverts et que les corps sont ressuscités », et le cœur de l'homme n'est-il pas ému en se rappelant comment Il fut très cruellement traité par les Juifs, pour nos péchés ? L'homme se montrera-t-il plus dur de cœur que les pierres ? Ayant moins de compassion que des cadavres ? Rappelle-toi, ô créature de péché et mets devant tes yeux Christ crucifié ; vois en pensée Son corps étendu tout du long sur la croix, Sa tête couronnée d'épines acérées, Ses mains et Ses pieds percés de clous, Son cœur ouvert par une longue lance, Sa chair déchirée par les fouets, Ses sourcils suant de l'eau et du sang ; entends-Le en pensée criant maintenant à Son Père dans une agonie insupportable : « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi M'as-Tu abandonné ? » Pourrais-tu soutenir sans [verser des] larmes cette vue accablante, ou entendre cette voix lugubre, considérant qu'Il a subi tout cela non pour Ses propres actes, mais uniquement à cause de tes graves péchés ? Oh, quelle est cette humanité qui inflige au Fils de Dieu éternel de telles douleurs ! Oh, qui sommes-nous, pour avoir causé Sa mort et Sa condamnation ? N'est-il pas juste de crier : « Maudit soit le moment où nous avons péché » ?
Ô mes frères, que cette image de Christ crucifié soit toujours imprimée dans votre cœur, qu'elle suscite en nous la haine du péché, et en notre esprit l'amour de Dieu Tout-Puissant le plus sérieux. Car pourquoi, à votre avis, si le péché n'est pas une chose grave à Ses yeux, voyant que pour avoir transgressé l'ordre de Dieu en mangeant un fruit, Dieu a condamné le monde entier à la mort éternelle, et ne se laisse apaiser que par le sang de Son propre Fils ? Elle est vraie, oui, très vraie, cette parole de David : « Tu détestes, ô Seigneur, tous ceux qui commettent l'iniquité, et aucun méchant ne demeurera avec Toi ». Par la bouche de Son prophète Ésaïe, Il a crié surtout contre les pécheurs, en disant : « Maudit êtes-vous qui tirez l'iniquité comme un chariot avec les cordes de la vanité et du péché ». Dieu n'a-t-Il pas donné un gage clair de ce qu'Il déteste grandement et abhorre le péché en noyant le monde entier, excepté 8 personnes ? Quand il a détruit Sodome et Gomorrhe avec le feu et le soufre ? Quand en l'espace de 3 jours Il a tué par une épidémie 70.000 [hommes] pour une offense de David ? Quand Il a noyé Pharaon et toute sa suite dans la mer Rouge? Quand Il a changé le roi Nébucadnetsar en une bête brute, rampant à 4 [pattes] ? Quand il a toléré qu'Ahithophel et Judas se pendent par remords de leur péché, qui était à ce point terrible à leurs yeux ? Mille autres exemples de cela sont dans l'Écriture, si on les cherche. Mais est-ce bien nécessaire ? Ce seul exemple que nous avons maintenant en mains a plus de force que tout le reste pour nous émouvoir. Christ, étant le Fils de Dieu et parfaitement Dieu Lui-même, Lui qui n'a jamais commis de péché, fut contraint de descendre du ciel et de livrer Son corps pour être frappé et cloué sur la croix pour nos péchés. Ceci n'était-il pas un gage manifeste de la grande colère de Dieu et de Son mécontentement à l'égard du péché, au point que rien d'autre ne pouvait L'apaiser que le doux et précieux sang de Son cher Fils ? Ô péché, péché qui a conduit Christ à une telle extrémité ! Maudit soit le moment où tu es entré dans le monde. Mais pourquoi se lamenter maintenant ? Le péché est survenu, et d'une telle manière qu'il ne peut être évité. Nul homme n'est vivant, non, pas même le plus juste sur terre, mais il « chute sept fois par jour », comme Salomon l'a dit. Et Christ notre Sauveur, nous a délivré du péché, mais pas au point que nous soyons libres de commettre le péché, mais [seulement] en ce qu'Il ne nous condamnera pas pour cela. Il a pris sur Lui la juste sanction du péché qui est la mort, et par Sa mort Il a vaincu la mort, afin que nous qui croyons en Lui puissions vivre pour toujours et ne pas mourir. Cela ne devrait-il pas engendrer en nous une haine extrême du péché que de considérer que cela a violemment arraché Dieu du ciel et Lui a fait subir les horreurs et les douleurs de la mort ? Oh, si nous considérions cela de temps en temps, au milieu de notre pompe et de nos plaisirs ; cela briderait les outrages de la chair, cela rabattrait et apaiserait nos affections charnelles, cela restreindrait nos appétits charnels, au point que nous ne leur courrions plus après au hasard, comme nous le faisons communément. Commettre volontairement et désespérément le péché, sans crainte de Dieu, n'est rien d'autre que de crucifier Christ à nouveau, comme l'épître aux Hébreux nous l'enseigne expressément. Laquelle, si elle était profondément gravée dans le cœur de tous les hommes, ferait que le péché ne règnerait pas partout autant qu’il le fait maintenant, au grand tourment et à la grande douleur de Christ qui trône désormais dans les cieux.
Souvenons-nous donc et ayons toujours à l'esprit Christ crucifié, afin que nous soyons intérieurement portés à détester entièrement le péché, et à aimer Dieu avec un cœur zélé et sincère. Car voici un autre fruit intérieur que nous apporte la mémoire de la mort de Christ: un amour de Dieu sérieux et sans feinte. « Dieu a tant aimé le monde », dit St Jean, « qu'Il a offert son unique Fils engendré, afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas mais qu'il ait une vie éternelle ». Si Dieu a manifesté un si grand amour pour nous, Ses créatures stupides, comment pouvons-nous décemment faire autre chose que de L'aimer en retour ? N'était-ce pas un gage sûr de Son amour que de nous livrer Son propre Fils depuis le ciel ? Il aurait pu nous livrer un Ange, s'Il l'avait voulu, ou quelque autre créature, et Son amour aurait cependant été très supérieur à nos mérites. Mais Il ne nous a pas livré un Ange, mais Son fils. Et quel fils ? Son Fils unique engendré, Son fils bien-aimé, ce Fils même qu'Il a fait Seigneur et maître de toutes choses. N'était-ce pas le gage singulier d'un grand amour ? Mais à qui L'a-t-Il livré ? Il L'a livré au monde entier, c'est à dire à Adam et à tous ses descendants. Ô Seigneur, qu'est-ce qu'Adam et tous les autres hommes ont fait pour mériter que Dieu nous livre son propre Fils ? Nous étions tous misérables, pécheurs, damnables, justement expulsés du paradis, justement exclus du ciel, justement condamnés au feu de l'enfer ; et cependant (voyez quel merveilleux gage de l'amour de Dieu) Il nous a livré Son Fils unique engendré, à nous, dis-je, qui étions Ses pires ennemis mortels; afin que, par la vertu de Son sang répandu sur la croix, nous soyons complètement nettoyés de nos péchés et rendus justes à Ses yeux. Qui peut choisir de réagir autrement qu'en s'émerveillant, en entendant que Dieu nous a manifesté un amour aussi indicible, à nous qui étions Ses ennemis mortels ? De fait, ô mortel, tu devrais normalement t'émerveiller et reconnaître en cela la grande bonté et la miséricorde de Dieu envers l'humanité, qui sont si merveilleuses qu'aucune chair, aussi sage qu'elle puisse sembler au monde, ne peut ni les concevoir ni les exprimer. Car comme St Paul l'atteste, Dieu a commandé et établi « Son amour envers nous, en ce qu'Il a envoyé Christ, Son Fils, mourir pour nous, alors que nous étions des pécheurs » et des ennemis déclarés de Son Nom. Si nous avions si peu que ce soit mérité [quelque chose] de Ses mains, ce ne serait pas étonnant du tout, mais il n'y avait aucun mérite de notre part justifiant qu'il le fasse. C'est pourquoi, toi qui es une créature pécheresse, quand tu entends que Dieu a livré Son fils pour mourir pour les péchés du monde, ne t'imagine pas qu'Il l'ait fait en vertu de quelque bonté ou de quelque mérite de ta part, car tu étais alors l'esclave du diable ; mais tombe à genoux et crie avec le prophète David ; « Ô Seigneur, qu'est-ce que l'homme pour que Tu penses à lui ? Ou le fils de l'homme, pour que Tu lui prêtes attention ? » Et voyant qu'Il t'a si grandement aimé, engage-toi à L'aimer en retour « de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force », afin de ne pas apparaître indigne de Son amour. Je me réfère [ici] à ma propre conscience : Penses-tu que ton amour est mal dirigé, vers quelqu'un qui pourrait ne pas t'aimer en retour ? Si c'est le cas, comme ce l'est très certainement, alors pense combien il est de ton devoir d'aimer Dieu qui t'a si grandement aimé qu'Il n'a pas épargné à Son Fils unique une mort aussi cruelle et honteuse, par amour pour toi.
Et jusqu'ici nous avons traité des causes de la mort et de la passion de Christ, qui sont en ce qui nous concerne un très horrible et très grave péché, et qui du côté de Dieu était un don gratuit venant de Son amour doux et tendre pour l'humanité, sans aucun mérite de notre part. Que le Seigneur, en raison de Sa miséricorde, nous fasse la grâce de ne jamais oublier ce grand avantage de notre Salut en Christ Jésus, et que nous nous en montrions toujours reconnaissants, détestant toutes les sortes de méchanceté et de péché, et nous appliquant entièrement au service de Dieu et à garder diligemment Ses Commandements.
Il reste maintenant à vous monter comment appliquer la mort et la passion de Christ à notre réconfort, comme un médicament sur nos blessures, de telle sorte qu'elles aient en nous l'effet même pour lequel elles ont été accomplies, à savoir la santé et le Salut de notre âme. Car comme il n'est d'aucun profit pour l'homme de posséder le Salut, s'il ne s’applique à faire la part qui lui revient, la mort de Christ est sans force pour nous à moins de nous l'appliquer de la manière que Dieu a fixée. Dieu Tout-Puissant utilise habituellement des moyens, et en l'espèce Il a ordonné un certain moyen par lequel nous pouvons tirer du fruit et du profit pour la santé de notre âme. Quel est ce moyen ? En vérité c'est la foi, non pas une foi vacillante et inconstante, mais une foi sûre, fondée et sans feinte. « Dieu a envoyé Son fils dans le monde », dit St Jean. Dans quel but ? « Afin que quiconque croit en Lui le périsse pas mais qu'il ait une vie éternelle ». Notez ces mots : « Afin que quiconque croit en Lui ». Voilà le moyen par lequel nous pouvons appliquer les fruits de la mort de Christ sur notre blessure mortelle, voilà le moyen par lequel nous devons obtenir la vie éternelle, à savoir la foi. Car, comme St Paul l'enseigne dans son épître aux Romains, « Avec le cœur l'homme croit à justice, et avec la bouche il fait une confession à Salut ». Paul, à qui le gardien de la prison demandait ce qu'il lui fallait faire pour être sauvé, fit cette réponse : « Crois au Seigneur Jésus, de telle sorte que toi et ta maison soient sauvés ». Après que l'Évangéliste nous a décrit et exposé en détail la vie et la mort du Seigneur Jésus, il conclut à la fin par ces mots : « Ces choses sont écrites afin que nous croyions que Jésus-Christ est le Fils de Dieu et que nous obtenions par la foi la vie éternelle ». Concluons avec les paroles de St Paul suivantes : « Christ est le but de la Loi, à Salut pour tous ceux qui croient ». Par là vous percevez bien que le moyen unique et le seul instrument de Salut qui soit requis de nous est la foi, c'est à dire, une confiance assurée dans les miséricordes de Dieu, par quoi nous sommes convaincus que Dieu a pardonné et pardonnera nos péchés, qu'Il nous a acceptés de nouveau en Sa faveur, qu'Il nous a déliés des liens de la damnation et qu'Il nous a reçus au nombre de Son peuple élu, non pas en raison de nos mérites, mais seulement et uniquement à cause des mérites de la mort et de la passion de Christ, qui est devenu homme pour l'amour de nous et S'est humilié au point de subir la peine de la croix afin que nous soyons épargnés et faits héritiers du royaume des cieux. Cette foi est exigée de nous, et si nous la gardons fermement dans notre cœur, il n'y a aucun doute que nous obtiendrons le Salut des mains de Dieu, comme Abraham, Isaac et Jacob le firent, de qui les Écritures disent qu'« Ils ont cru, et cela leur a été imputé à justice ». Cela leur a-t-il été imputé à eux ? Et cela ne nous serait pas imputé à nous ? Oui, si nous avons la même foi qu'eux, cela nous sera aussi sûrement imputé à justice que ce fut [le cas] pour eux. Car c'est la même foi qui doit nous sauver, eux et nous, et même une foi ferme et assurée en Christ Jésus qui, comme vous l'avez entendu, est venu dans le monde dans ce but : « Que quiconque croit en Lui ne périsse pas, mais qu'il ait une vie éternelle ».
Mais ici nous devons prendre garde à ne pas nous arrêter en chemin vers Dieu avec une foi vacillante et inconstante, mais persévérer jusqu'à la fin de notre vie avec une foi forte et ferme. « Celui qui hésite », dit St Jacques, « est comme une vague de l'océan ; qu'un tel homme ne s'imagine pas obtenir quoi que ce soit des mains de Dieu ». Pierre, allant vers Christ marchant sur l'eau, fut en danger de se noyer parce que sa foi a vacillé. Et nous aussi, si nous commençons à vaciller ou à douter, il est à craindre que nous ne finissions pas comme Pierre, dans l'eau, mais dans le trou sans fond du feu de l'enfer. C'est pourquoi je vous dis que nous devons appréhender par la foi les mérites de la passion et de la mort de Christ, et ceci avec une foi forte et ferme, ne doutant en rien que Christ, par Son unique oblation, en S'offrant une fois pour toutes sur la croix, a ôté nos péchés et nous a rétablis dans la faveur de Dieu, si complètement et si parfaitement qu'aucun autre sacrifice pour le péché ne sera plus requis ni nécessaire, dans le monde entier.
Ainsi, vous avez entendu en quelques mots les moyens par lesquels nous devons nous appliquer les fruits et les mérites de la mort de Christ, de telle sorte qu'ils opèrent le Salut de notre âme, à savoir une foi assurée, ferme, parfaite et fondée [sur l’Écriture]. Car comme tous ceux qui regardaient fixement le serpent d'airain étaient guéris et délivrés de leurs maladies corporelles et de leurs morsures par cette vue même ; de même tous ceux qui regardent Christ crucifié avec une foi vivante et vraie seront sans aucune doute délivrés des graves blessures de l'âme, quels que soient leur nombre et leur gravité. C'est pourquoi, bien-aimés, si d'aventure nous chutons dans le péché du fait de la faiblesse de la chair, car ce n'est pas un choix et nous devons souvent chuter, et si nous en ressentons le lourd fardeau opprimer notre âme, nous tourmenter avec la peur de la mort, de l'enfer et de la damnation ; servons-nous de ce moyen que Dieu a désigné à Sa Création, le moyen de la foi, qui est l'unique instrument de Salut qui nous reste. Regardons fixement Christ crucifié avec les yeux de notre cœur. Espérons n'être sauvés que par Sa mort et Sa passion et que nos péchés soient complètement lavés par Son sang très précieux, afin qu'à la fin du monde quand Il reviendra juger les vivants et les morts, Il puisse nous recevoir dans Son royaume céleste et nous mettre au nombre de Ses élus et du peuple qu'Il S'est choisi, pour prendre part à cette vie immortelle et éternelle qu'Il a acquise pour nous par Ses blessures sanglantes. C'est pourquoi à Lui, avec le Père et le Saint-Esprit, soient tout honneur et toute gloire, éternellement. Amen.