19-De la prière
19-De la prière
II-7. De la prière
{44} 1. Rien, dans la vie de tout homme, bien-aimés en Christ notre Sauveur, n'est plus important et ne doit être plus souvent rappelé qu'une prière sincère, zélée et dévote ; la nécessité en est si grande que sans elle on ne peut rien obtenir de la part de Dieu. Car comme l'Apôtre Jacques l'a dit : « Tout don bon et parfait vient d'en haut et procède du Père des lumières », qui est aussi « riche et généreux envers tous ceux qui font appel à Lui », non pas parce qu'Il ne pourrait ou ne voudrait rien donner sans qu'on le Lui demande, mais parce qu'il a désigné la prière comme la relation ordinaire entre Lui et nous.
Il n'y a aucun doute qu'Il « sache de quoi nous avons besoin », et qu'Il est toujours prêt à nous donner en abondance les choses dont nous manquons. Cependant, dans l'intention que nous Le reconnaissions comme le donateur de toutes bonnes choses, et que nous nous comportions avec reconnaissance envers Lui pour cela, en L'aimant, en Le craignant et en Le louant sincèrement et en vérité, comme nous le devons, Il a ordonné pour notre avantage qu'en temps de nécessité nous nous humilions à Ses yeux, que nous déversions les secrets de notre cœur devant Lui et que nous mourions d'envie qu'Il nous aide, par une prière continuelle, sincère et dévote. Par la bouche de son saint prophète David, Il dit à ce propos : « Appelle-moi les jours où tu as des ennuis, et Je te délivrerai ». De même dans l'Évangile, par la bouche de Christ Son Fils bien-aimé, Il dit : « Demandez et on vous donnera, frappez et on vous ouvrira, car quiconque demande reçoit quiconque cherche trouve, et à celui qui frappe on ouvrira ». St Paul aussi, consent expressément à ceci, « Veuillez prier partout et continuez avec des actions de grâces ». Et l'Apôtre béni St Jacques n'est pas non plus en désaccord sur ce point, mais il exhorte sérieusement tout homme à la prière diligente, en disant : « Si un homme manque de sagesse, qu'il la demande à Dieu, qui donne généreusement à tous les hommes et ne fait de reproche à personne ». Et dans un autre passage : « Priez les uns pour les autres », dit-il, « afin que vous soyez guéris, car la prière de l'homme juste peut beaucoup si elle est fervente ». Qu'est-ce qui nous est enseigné par ces citations et d'autres, mais surtout celles-ci, sinon que Dieu Tout-Puissant, nonobstant Sa sagesse céleste et Sa prescience, veut être prié, qu'Il veut qu'on en appelle à Lui, et qu'Il ne nous veut pas moins disposés à demander, que Lui de son côté est disposé à nous donner ?
C'est pourquoi c’est une opinion et une raison très tenace et très stupide des hommes que de penser que toute prière est superflue et vaine, parce que Dieu « sonde les reins et les cœurs », et sait ce que l'Esprit veut dire avant que nous demandions. Car si cette raison charnelle était suffisante pour annuler la prière, pourquoi alors Christ notre Sauveur a-t-Il si souvent crié à Ses disciples : « Veillez et priez » ? Pourquoi leur a-t-Il prescrit une forme de prière, en disant : « Quand vous priez, priez de cette façon: 'Notre Père qui es aux cieux, etc.' » ? Pourquoi priait-Il si souvent et si sérieusement avant Sa passion ? Finalement, pourquoi les Apôtres, juste après Son Ascension, se sont-ils rassemblés au même endroit et ont longtemps continué à y prier ? Il faut soit condamner Christ et Ses Apôtres pour folie extrême, soit admettre que la prière est une chose très nécessaire à tous les hommes, en tout temps et en tous lieux.
Il est sûr qu'il n'y a rien de plus approprié ou nécessaire à l'humanité du monde entier que la prière. « Priez tout le temps », dit St Paul, « avec toutes sortes de prières et de supplications, et veillez-y attentivement ». Dans un autre passage aussi, il veut que nous priions continuellement, sans pause ni interruption, signifiant par là que nous nous ne devrions jamais être relâchés ni feindre en priant, mais persévérer en cela jusqu'à la fin de notre vie. Nombre d'autres passages pourraient également être cités ici, avec le même effet, je veux dire pour déclarer la grande nécessité de la prière, mais que sert-il d'avoir tant de preuves sur un sujet évident, voyant que personne n’est si ignorant qu'il ne sache pas, si aveugle qu'il ne voie pas que la prière est une choses très nécessaire aux hommes de toute condition et de tout grade ? Car c'est seulement avec son aide que nous parvenons à ces trésors célestes et éternels que Dieu notre Père éternel nous a réservés et disposés, pour Ses enfants, en Son cher Fils bien-aimé Jésus-Christ, par Son alliance et Sa promesse, confirmées et scellées pour nous de manière très sûre : si nous demandons, nous recevrons.
Maintenant, la grande nécessité de la prière étant suffisamment établie, et afin que notre esprit et notre cœur soit plus fortement incités en cela, considérons brièvement quelle force merveilleuse elle a pour faire advenir des choses étranges et puissantes. Nous lisons dans le livre de l'Exode que Josué, luttant contre les Amalécites, les a vaincus et conquis tant par la vertu de sa propre force que par la prière sérieuse et continuelle de Moïse, qui, aussi longtemps qu'il avait les mains levées vers Dieu, voyait Israël dominer, mais quand il faiblissait et baissait les bras, alors Amalec et ses hommes prenaient le dessus, de telle sorte qu'Aaron et Hur, étant avec lui sur la colline, ont dû soutenir ses bras jusqu'au coucher du soleil, sans quoi le peuple de Dieu aurait été totalement déconfit et mis en fuite, ce jour-là. Nous lisons aussi dans un autre passage de Josué lui-même comment, au siège de Guibéa, il a fait une humble demande à Dieu Tout-Puissant, et le soleil et la lune se sont arrêtés dans leur course au milieu du ciel pendant tout un jour, jusqu'au moment où le peuple se trouva suffisamment vengé de ses ennemis. Et la prière de Josaphat n'était-elle pas d'une grande force quand, à sa demande, Dieu a fait tomber ses ennemis les uns sur les autres et qu'ils se sont volontairement détruits les uns les autres ? Qui peut assez s'émerveiller de l'effet et de la vertu de la prière d'Élie ? « Lui, étant sujet aux mêmes affections que nous, pria le Seigneur qu'il ne pleuve pas, et il ne tomba pas de pluie sur la terre pendant trois ans et six mois ». Il pria alors qu'il pleuve et il en tomba tant que la terre fit croître ses produits très abondamment. Il serait trop long de parler de Judith, Esther, Suzanne, et de divers autres femmes et hommes pieux, de dire comment ils ont grandement réussi dans toutes leurs actions en s'adonnant sérieusement et dévotement à la prière. Qu'il nous suffise pour le moment de conclure avec Augustin et Chrysostome : l'un appelle la prière « la clé du ciel », l'autre affirme clairement qu'« il n'y a rien de plus puissant au monde qu'un homme qui s'adonne à la prière fervente ».
Alors, chers et bien-aimés, voyant que la prière est une chose si nécessaire et d'une si grande force devant Dieu, et d’après ce qui nous est enseigné par l'exemple de Christ et de Ses Apôtres, soyons sérieux et appliqués en invoquant le Nom du Seigneur. Ne faiblissons jamais, ne mollissons jamais, n'abandonnons jamais ; mais soyons toujours occupés à de pieuses méditations et à la prière, chaque jour et à chaque heure, du matin au soir, à temps et à contretemps. Et si nous n'obtenons pas de réponse immédiate ? Ne nous décourageons pas, mais continuons à crier et à en appeler à Dieu ; Il nous entendra sûrement à la longue, à force de L'importuner, si ce n'est pas pour une autre raison. Souvenez-vous de la parabole du juge inique et de la pauvre veuve, comment, en l'importunant, elle l'a forcé à lui rendre justice contre son adversaire, bien que d'habitude il ne craignait ni homme ni Dieu. « Dieu ne vengera-t-Il pas plus encore Ses élus », dit Christ notre Sauveur, « qui crient à Lui nuit et jour ? ». Il a ainsi enseigné à Ses disciples et à tous les autres Chrétiens à travers eux, à prier tout le temps et à ne jamais faiblir ni renoncer. Souvenez-vous aussi de l'exemple de la Cananéenne, qui fut repoussée par Christ et traitée de chienne comme très indigne de tout bienfait de Sa part, ne laissa pas cependant tomber et Le suivit toujours, en criant et en l'appelant à être bon et miséricordieux pour sa fille ; et à la longue, en L'importunant vraiment, elle a obtenu ce qu'elle demandait. Oh, apprenons par ces exemples à être sérieux et fervents en priant, nous assurant que quoi que nous demandions à Dieu le Père au Nom de Christ Son Fils et en accord avec Sa volonté, Il nous l'accordera certainement. Il est lui-même la Vérité, et aussi vrai qu'Il l'a promis, Il le fera. Dieu, à cause de Sa grande miséricorde, œuvre dans notre cœur par Son Saint-Esprit de telle façon que nous Lui adressions toujours nos humbles prières comme nous le devons, et Il obtient toujours ce que nous demandons, par Jésus-Christ notre Seigneur. À qui, avec le Père et le Saint-Esprit, soient tout honneur et toute gloire, éternellement. Amen.
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{45} 2. Dans la première partie de ce sermon, vous avez entendu parler de la grande nécessité et aussi de la grande force d'une prière dévote et sérieuse et cela vous a été prouvé, aussi bien par divers témoignages de poids que par quelques bons exemples de l'Écriture Sainte. Vous allez maintenant apprendre qui vous devez invoquer et vers qui vous devez toujours diriger vos prières.
Le saint Testament de Dieu nous enseigne à l'évidence que Dieu Tout-Puissant est la source de toute bonté, et que tout ce que nous possédons dans ce monde, nous le recevons de Ses seules mains. À cet effet, St Jacques dit : « Tout don bon et parfait », dit-il, « vient d'en haut et procède du Père des lumières ». À cet effet aussi sert le témoignage de Paul en divers passages de ses épîtres, témoignant que l'esprit de sagesse, l'esprit de connaissance et de révélation, oui, tout don céleste et bon, comme la foi, l'espérance, la charité, la grâce et la paix viennent uniquement et seulement de Dieu. En considération de quoi il éclate dans une passion soudaine et dit : « Ô homme, qu'as-tu donc que tu n'aies reçu ? » C'est pourquoi, chaque fois que nous avons besoin ou que nous manquons de quelque chose, que ce soit pour notre corps ou pour notre âme, il nous incombe de courir à Dieu seul, qui est le seul donateur de toute bonne chose. Christ notre Sauveur, dans l'Évangile, enseignant à ses disciples comment ils devaient prier, les a adressés au Père en Son Nom, en disant : « En vérité, en vérité, je vous le dis, quoique vous demandiez au Père en Mon Nom, Il vous le donnera ». Et dans un autre passage : « Quand vous priez, priez de cette façon : Notre Père qui es aux cieux, etc. ». Et Dieu Lui-même, par la bouche de son prophète David, ne veut-Il pas et ne nous commande-t-Il pas d'en appeler à Lui ? L'Apôtre souhaite la grâce et la paix à tous ceux qui invoquent le Nom du Seigneur et de Son Fils Jésus-Christ ; ainsi du prophète Joël, qui dit : « Et il arrivera que quiconque en appellera au Nom du Seigneur sera sauvé ».
Il est donc clair de par l'infaillible Parole de vérité et de vie, que dans toutes nos nécessités nous devons nous élancer vers Dieu, diriger nos prières vers Lui, en appeler à Son saint Nom, Lui demander Son aide et à nul autre. Et si vous voulez avoir un motif de plus, notez ce qui suit. Il y a certaines conditions à remplir pour qu'on puisse invoquer une personne qui, si elles ne sont pas remplies par celle que nous prions, rendent nos prières vaines. La première est-celle-ci : que celui à qui nous adressons nos prières soit capable de nous aider. La seconde est qu'il veuille nous aider. La troisième est qu'il entende nos prières. La quatrième est qu'il comprenne mieux que nous-mêmes ce dont nous manquons et à quel point nous avons besoin d'aide. Si ces choses peuvent être trouvées en tout autre que Dieu, alors nous pouvons en appeler à d'autres que Dieu. Mais quel homme est assez grossier pour ne pas comprendre que ces choses appartiennent uniquement à Celui qui est Tout-Puissant et omniscient, sachant même les secrets des cœurs, c'est à dire Dieu, et Dieu seul ? C'est pourquoi il s'ensuit que nous ne devons en appeler ni à un Ange ni à un saint, mais uniquement et seulement à Dieu. Comme St Paul l'écrit : « Comment les hommes invoqueront-ils Celui en qui ils n'ont pas cru ? » Cette invocation ou prière ne peut pas être faite sans la foi en Celui à qui nous en appelons, mais nous devons d'abord croire en Lui avant de pouvoir Lui adresser nos prières, après quoi nous devons prier uniquement et seulement Dieu. Car dire que nous devons croire à un Ange ou à un saint, ou en toute autre créature vivante est un horrible blasphème contre Dieu et Sa sainte Parole, et cette fantaisie ne devrait pas effleurer le cœur d'un Chrétien, parce qu'il nous est expressément enseigné dans la Parole du Seigneur de placer notre foi seulement dans la sainte Trinité, dans le seul Nom de laquelle nous sommes également baptisés selon le commandement exprès de notre Sauveur Jésus-Christ, dans le dernier [chapitre] de Matthieu.
Mais pour que cette vérité soit plus évidente, même à ceux qui sont très simples et peu instruits, considérons en quoi consiste la prière. St Augustin l'appelait « une élévation de l'esprit à Dieu, c'est à dire un humble déversement du cœur devant Dieu ». Isidore a dit que « c'est une affection du cœur et non pas un travail des lèvres ». Ainsi, selon ces passages, la prière ne consiste pas tant dans le son extérieur de la voix et des mots que dans le murmure et les larmes intérieures du cœur, envers Dieu. Maintenant, y a-t-il parmi les morts un Ange, une vierge, un patriarche ou un prophète qui puisse comprendre ou connaître notre cœur ? L'Écriture dit : « C'est Dieu qui sonde les reins et les cœurs », et que « Lui seul connaît le cœur des enfants des hommes ». Quant aux saints, ils en savent si peu sur les secrets du cœur que nombre des anciens Pères doutaient fortement qu'ils sachent quoi que ce soit de ce qui se passe sur la terre. Et bien que quelques-uns pensent qu'ils le savent, St Augustin, un docteur antique de grande autorité, pense à leur sujet qu'ils ne savent pas plus ce que nous faisons sur la terre que nous ne savons ce qu'ils font dans le ciel. Et pour le prouver, il cite le prophète Ésaïe, où il est dit : « Abraham nous ignore et Israël ne nous connaît pas ». Sa pensée est donc celle-ci, non que nous puissions faire un acte religieux en les louant ou en les priant, mais que nous devrions les honorer en imitant leur vie vertueuse et pieuse. Car comme il en témoigne dans un autre passage, les martyrs et les saints du temps passé ne devaient pas être évoqués et nommés après leur mort par le prêtre au cours de l'office divin, mais jamais invoqués ni priés. Et pourquoi cela ? Parce que le prêtre, dit-il, « est le prêtre de Dieu et non pas le leur », c'est pourquoi il est tenu d'invoquer Dieu et pas eux.
Vous voyez ainsi que l'autorité de l'Écriture et d'Augustin ne permet pas de les prier. Oh, si tous les hommes lisaient, étudiaient et sondaient les Écritures ! Alors ils ne se noieraient pas dans l'ignorance, mais ils percevraient facilement la vérité aussi bien sur ce point de doctrine que sur tout le reste. Car là, le Saint-Esprit nous enseigne clairement que Christ est notre unique médiateur et intercesseur auprès de Dieu, et que nous ne devons recourir à aucun autre. « Si un homme pèche », dit St Jean, « nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le Juste, et Il est la propitiation pour nos péchés ». St Paul aussi a dit : « Il n'y a qu'un Dieu et un médiateur entre Dieu et l'homme, l'homme Jésus-Christ ». Ce qui s'accorde avec le témoignage de notre Sauveur Lui-même, qui témoigne que nul homme ne vient au Père que par Lui qui est le chemin, la vérité, la vie, oui, et la seule porte par laquelle nous devons entrer dans le royaume des cieux, parce que Dieu trouve son plaisir en nul autre que Lui. C'est pourquoi il nous a appelés à venir à Lui, en disant : « Venez à Moi, vous tous qui travaillez et êtes lourdement chargés, et Je vous soulagerai ». Christ veut-il que nous venions à Lui par pure nécessité ? Et allons-nous très ingratement Le laisser pour recourir à un autre ? C'est justement de cela que Dieu se plaignait par Son prophète Jérémie, en disant : « Mon peuple a commis deux grandes offenses ; ils M'ont oublié, Moi la source de l'eau de la vie, et ils se sont creusés des citernes qui ne retiennent pas l'eau ». N'est-il pas stupide, pensez-vous, cet homme qui cherche de l'eau dans un petit ruisseau alors qu'il peut aussi bien aller à la source même ? Et on peut justement douter de la raison de celui qui s'enfuit vers les saints dans un moment de nécessité, quand il peut sans crainte déclarer ouvertement sa douleur en dirigeant sa prière vers le Seigneur Lui-même.
S'il était étrange ou dangereux de parler à Dieu, alors nous aurions raison de reculer et de chercher quelqu’un d’autre. Mais « Le Seigneur est proche de ceux qui L'invoquent avec foi et en vérité »; et « la prière des humbles et des doux Lui plaît toujours ». Nous sommes pécheurs ? Et alors ? Est-ce une raison pour ne pas prier Dieu ? Ou désespérons-nous d'obtenir quoi que ce soit de Lui ? Pourquoi dès lors Christ nous a-t-Il enseigné à demander pardon pour nos péchés, en disant: « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous offensent » ? Allons-nous penser que les saints sont plus miséricordieux que Dieu à écouter les pécheurs ? David a dit que « Le Seigneur est plein de compassion et de miséricorde, lent à la colère et d'une grande douceur ». St Paul a dit qu'« Il est riche en miséricorde envers tous ceux qui en appellent à Lui ». Et Lui-même, par la bouche de Son prophète Ésaïe, a dit: « Je t'ai oublié un temps, mais Je te rassemblerai ; dans un moment de colère, Je t'ai caché Ma face, mais J'aurai compassion de toi avec une miséricorde éternelle ». C'est pourquoi les péchés de l'homme ne doivent pas être cachés au Seigneur son Dieu, mais si on est vraiment repentant et ferme dans sa foi, qu'on se rassure en sachant que le Seigneur sera miséricordieux à notre égard et entendra nos prières.
Oh, mais je ne veux pas (diront certains) importuner Dieu avec mes prières... Nous voyons que dans les palais des rois et les cours des princes, les hommes ne sont pas admis à moins de profiter de l'aide et de l'entregent d'un noble spécial, pour assister à l'audience du roi et obtenir ce qu'ils aimeraient avoir. St Ambroise répond très bien à cette raison, en commentant le 1er chapitre [de l'épître] aux Romains. « C'est pourquoi », dit-il, « nous allons au roi par l'entremise d'officiers et de nobles, parce que le roi est un homme mortel et qu'il ne sait pas à qui il peut confier le gouvernement de la communauté. Mais ayant Dieu pour ami, à qui rien n'est caché, nous n'avons pas besoin d'une autre aide pour nous faire avancer dans Sa bonne parole, qu’un esprit dévot et pieux ». Et s'il en est ainsi, si nous avons besoin de l'entremise de quelqu'un, pourquoi ne pas nous contenter de cet « unique médiateur, qui est à la droite de Dieu » le Père, et « vit éternellement en intercédant pour nous » ? Comme le sang de Christ nous a rachetés à la Croix et lavés de tous nos péchés, il est aujourd'hui capable de sauver tous ceux qui viennent à Dieu par Lui. Car Christ, siégeant dans les cieux, a une prêtrise éternelle, et Il prie constamment Son Père pour ceux qui se repentent, obtenant par la vertu de Ses blessures, qui sont éternellement à la vue de Dieu, non seulement la parfaite rémission de nos péchés, mais aussi toutes les autres choses qui nous sont nécessaires et dont nous manquons dans ce monde, de telle sorte que Sa seule médiation dans le ciel suffit et qu'il n'est pas besoin de l'aide d'un autre.
Pourquoi donc prions-nous les uns pour les autres dans cette vie ? Quelqu'un demandera-t-il peut-être ici ? En vérité, nous sommes poussés de par le commandement exprès de Christ et de Ses disciples, à manifester ainsi aussi bien la foi que nous avons en Christ envers Dieu, que la charité mutuelle que nous nous portons les uns aux autres, en ce que nous avons pitié du cas de notre frère et que nous présentons notre humble pétition à Dieu pour lui. Mais que nous devions prier les saints, nous n'en avons pas le commandement dans toute l'Écriture, ni même un exemple que nous pourrions suivre de manière sûre. Et ayant ainsi terminé avec l'autorité de la Parole de Dieu, cela manque de fondement dans la foi et ne peut donc pas être acceptable à Dieu. « Car tout ce qui n'est pas de la foi est péché », et l'Apôtre a dit que « la foi vient en écoutant, et en écoutant la Parole de Dieu ».
Vous objecterez encore que les saints du ciel prient pour nous et que leur prière procède d'une vraie charité envers leurs frères sur la terre. À quoi il peut être d'abord répondu que nul ne sait s'ils prient pour nous ou non. Et si on tente de contourner [la question] en le prouvant par la nature de la charité, en concluant qu'ils priaient pour les hommes sur la terre et qu'ils le font plus encore maintenant qu'ils sont au ciel, on peut alors leur répondre avec le même argument qu'aussi souvent que nous pleurons sur la terre ils pleurent aussi dans le ciel, parce que pendant qu'ils vivaient dans ce monde, il est très certain qu'ils le faisaient. Quant à ce passage de l'Apocalypse, à savoir que l'Ange a offert les prières des saints sur l'autel d'or, cela veut proprement dire et devrait être proprement compris des saints vivant sur la terre, et non de ceux qui sont morts ; autrement, quel besoin aurait eu l'Ange d'offrir leurs prières, alors qu’ils sont au ciel devant la face de Dieu Tout-Puissant ? Mais admettons que les saints prient pour nous ; nous ne savons cependant pas comment, ni si c'est spécialement pour ceux qui les invoquent ou généralement pour tous les hommes, souhaitant du bien uniformément à tous. S'ils prient spécialement pour ceux qui en appellent à eux, alors c'est comme s'ils entendaient nos prières et connaissaient aussi les désirs de notre cœur. Cela est faux, comme il a été prouvé aussi bien par les Écritures que par l'autorité d'Augustin.
Ne mettons donc pas notre confiance dans les saints ou les martyrs qui sont morts. Ne les invoquons pas, ni ne souhaitons leur aide ; mais élevons toujours notre cœur vers Dieu, au Nom de Son cher Fils Jésus-Christ, pour l'amour de qui Dieu a promis d'écouter nos prières, et Il le fera donc vraiment. Une invocation est une chose propre à Dieu, et si nous l'attribuons aux saints, cela pourrait leur être reproché, car ils ne peuvent pas la supporter non plus, venant de nous. Quand Paul eut guéri un boiteux à Lystre, le peuple voulait lui offrir un sacrifice, à lui et à Barnabé, et, déchirant leurs vêtements, ils l'ont refusé et les ont exhortés à louer le vrai Dieu. De même dans l'Apocalypse, quand St Jean tomba aux pieds de l'Ange pour le louer, l'Ange ne lui permit pas de le faire et lui a ordonné de louer Dieu. Ces exemples nous disent que les saints et les Anges du ciel ne veulent pas que nous leur rendions quelque honneur que ce soit, car cela est dû en propre à Dieu. Lui seul est notre Père, Lui seul est Tout-Puissant, Lui seul peut nous aider en tout temps et en tout lieu, « Il tolère que le soleil brille sur les bons et les mauvais ; Il nourrit les jeunes corbeaux qui crient à Lui ; Il sauve aussi bien l'homme que les bêtes ; Il ne veut pas qu'un seul cheveu de notre tête périsse », mais Il est toujours prêt à aider et à protéger tous ceux qui mettent leur confiance en Lui, selon ce qu'Il a promis, en disant : « Avant qu'ils n'appellent Je répondrai, et pendant qu'ils parlent, J'écouterai ». Que rien ne puisse donc nous porter à nous défier de Sa bonté ; n'ayons pas peur de venir devant le trône de Sa miséricorde ; ne recherchons pas l'aide des saints, mais approchons-nous avec confiance, ne doutant pas que Dieu, pour l'amour de Christ en qui Il trouve Son bon plaisir, nous écoutera sans porte-parole, et accomplira notre désir en tout point compatible avec Sa très sainte volonté. Ainsi parlait Chrysostome, un antique docteur de l'église, et ainsi devons-nous croire fermement, non pas parce qu'il l'a dit, mais bien plus encore parce que c'est la doctrine enseignée par Christ notre Sauveur Lui-même, qui a promis que si nous prions le Père en Son nom, nous serons certainement entendus, pour le soulagement de nos besoins et pour le salut de notre âme, qu'il a rachetée pour nous, non pas avec de l'or ou de l'argent, mais avec Son précieux sang, versé une fois pour toutes sur la Croix.
C'est pourquoi à Lui, avec le Père et le Saint-Esprit, trois personnes et un seul Dieu, soient tout honneur, louange et gloire, pour les siècles des siècles. Amen.
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{46} 3. Il nous a été enseigné dans l'autre partie de ce sermon, à qui nous devons adresser nos prières dans les moments de besoin et de nécessité, à savoir ni Anges ni aux saints, mais au Dieu éternel qui, parce qu'Il est miséricordieux, est toujours prêt à nous écouter quand nous en appelons à Lui avec une foi sincère et parfaite, et parce qu'Il est Tout-Puissant, Il peut facilement réaliser et faire advenir la chose que nous demandons et que nous attendons de Sa main. Douter de Sa puissance est clairement une infidélité contre la doctrine du Saint-Esprit, laquelle nous enseigne qu'Il est tout en tous. Et en ce qui concerne Sa bonne volonté sur ce sujet, nous avons des témoignages exprès dans l'Écriture pour nous aider, et aussi pour nous délivrer si nous en appelons à Lui dans les moments de trouble. De telle sorte que de ces deux points de vue nous devrions plutôt en appeler à Lui et à nul autre. Nul homme ne devrait donc hésiter à venir directement à Dieu parce qu'il est pécheur. Car le Seigneur, comme l'a dit le prophète David, « est plein de grâce et de miséricorde » ; oui, « Sa miséricorde et Sa bonté durent éternellement ». Celui qui a envoyé Son propre Fils dans le monde pour sauver les pécheurs, n'écouterait-Il pas les pécheurs, si on Le prie avec un cœur vraiment contrit et une foi ferme ? Oui, « Si nous reconnaissons nos péchés, Dieu est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et pour nous laver de toute iniquité », comme nous l'enseignent clairement les exemples de David, Pierre, Marie-Madeleine, du publicain et divers autres. Et si nous avons vraiment besoin de l'aide de quelque médiateur et intercesseur, contentons-nous de Celui qui est le seul vrai médiateur du Nouveau Testament, à savoir le Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. Car comme St Jean le disait : « Si un homme pèche, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le Juste, qui est la propitiation pour nos péchés ». Et St Paul dit dans sa 1ère épître à Timothée : « Il n'y a qu'un Dieu et un médiateur entre Dieu et l'homme, l'homme Jésus-Christ, qui s'est offert lui-même en rançon pour tous les hommes, afin d'être un témoignage, en temps voulu ».
Maintenant, cette doctrine étant établie, vous allez apprendre pour quelles sortes de choses et de personnes vous devez adresser vos prières à Dieu. Il incombe grandement à tous les hommes, quand ils prient, de considérer, en s'appliquant bien, ce qu'ils demandent et requièrent de la main de Dieu, afin que s'ils désirent une chose qu'ils ne devraient pas [désirer], leur demande soit nulle et de nul effet. Il est arrivé au temps du roi Agésilas, un prétendant importun, disant : « Monseigneur, s'il plaît à votre grâce, vous m'avez promis... » « C'est vrai », dit le roi, « Si c'est tout ce que tu demandes, alors je te l'ai promis ; autrement, je t'en ai seulement parlé, mais je n'ai rien promis ». L'homme ne s'attendait pas à une telle réponse du roi, mais le pressant de plus en plus, il dit : « Il incombe au roi d'accomplir le moindre mot qu'il a prononcé, oui, même s'il seulement fait un signe de la tête ». « Il n'incombe pas moins », dit le roi, « à celui qui vient au roi, de parler pour demander des choses justes et honnêtes ». Ainsi le roi rejeta son prétendant déraisonnable et importun. Maintenant, si nous avons une telle considération quand nous nous agenouillons devant un roi terrestre, combien plus nous devons en avoir quand nous nous agenouillons devant le Roi des Cieux, qui n'aime que la justice et l'équité, et n'admet aucune demande injuste, vaine ou idiote ! C'est pourquoi il est bon et pleinement profitable de considérer et de déterminer en nous-mêmes les choses que nous pouvons licitement demander à Dieu sans crainte d'être repoussés, et aussi quelle sorte de gens nous devons recommander à Dieu dans nos prières quotidiennes.
Deux choses sont à respecter avant tout dans la prière de tout homme bon et pieux : ses propres besoins et la gloire de Dieu Tout-Puissant. La nécessité relève soit du corps, extérieure-ment, ou intérieurement, de l'âme. Et [au sujet] de cette partie de l'homme, parce qu'elle est beau-coup plus précieuse et plus excellente que l'autre, nous devons avant tout mourir d'envie de tout ce qui touche à son Salut ; comme le don de la repentance, le don de la foi, le don de la charité et des œuvres bonnes, la rémission et le pardon des péchés, la patience dans l'adversité, l'humilité dans la prospérité et tous les autres fruits de l'Esprit, comme « l'espérance, l'amour, la joie, la paix, l'endurance, la gentillesse, la bonté, la douceur et la tempérance », lesquelles choses Dieu requiert de tous ceux qui se reconnaissent comme Ses enfants, leur disant ceci : « Que votre lumière brille devant les hommes afin qu'ils voient vos œuvres [bonnes] et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux ». Et dans un autre passage, Il dit aussi : « Cherchez d'abord le royaume de Dieu et Sa justice, et tout le reste vous sera donné ». Ce par quoi Il nous met dans l'esprit que notre premier et plus grand soin devrait viser les choses qui relèvent de la santé et de la conservation de notre âme, parce que nous n'avons pas ici, comme le dit l'Apôtre, « de cité permanente, mais nous en recherchons une autre dans le monde à venir ».
Maintenant, quand nous avons suffisamment prié pour les choses de l'âme, alors nous pouvons licitement et avec une conscience tranquille, prier pour nos nécessités corporelles comme la nourriture, la boisson, le vêtement, la santé du corps, une délivrance de la prison, la chance dans nos affaires quotidiennes, et ainsi de suite, selon nos besoins. Quel meilleur exemple de cela pouvons-nous désirer que Christ Lui-même, qui enseigna à Ses disciples et à tout autre Chrétien de prier premièrement pour les choses célestes, et ensuite pour les choses terrestres, comme on le voit dans la prière qu'Il a laissée à Son Église, et communément appelée la prière du Seigneur ? Dans le premier livre des Rois, au chapitre 3, il est écrit que « Dieu apparut la nuit en songe au roi Salomon, en disant : Demande Moi ce que tu veux et Je te le donnerai ». Salomon fit cette humble prière et demanda un cœur sage et prudent qui puisse juger et comprendre ce qui est bon et ce qui est mal, ce qui est pieux et ce qui est impie, ce qui est juste et ce qui est injuste aux yeux du Seigneur. « Cela plut merveilleusement à Dieu qu'il ait demandé cela. Et Dieu lui dit : Parce que tu as exprimé ces paroles et que tu n'as pas désiré de nombreux jours et de longues années sur la terre, ni l'abondance des richesses et des biens, ni la mort des ennemis qui te détestent, mais que tu as désiré la sagesse pour siéger au tribunal ; vois, J'ai fait ce que tu demandes, selon ta parole, Je t'ai donné un cœur sage, plein de savoir et d'intelligence, de telle sorte qu'il n'y a jamais eu personne comme toi auparavant, et qu'il n'y aura personne dans les temps à venir. De plus, Je t'ai donné à côté de cela ce que tu n'a pas demandé, à savoir la richesse mondaine, l'honneur et la gloire princière, de telle sorte que tu surpasseras aussi tous les rois qui aient jamais existé ». Notez dans cet exemple comment Salomon, étant mis devant le choix de demander à Dieu ce qu'il voulait, ne demanda pas des choses vaines et transitoires, mais les hauts et célestes trésors de la sagesse, et en faisant cela il a obtenu, comme en récompense, les richesses et l'honneur en plus. Il nous est donc donné de comprendre que dans nos prières quotidiennes, nous devons d'abord et principalement demander les choses qui concernent le royaume de Dieu et le Salut de notre âme propre, sans douter que tout le reste nous sera donné, selon la promesse de Christ.
Mais ici nous devons prendre garde de ne pas oublier cet autre but dont il a été auparavant fait mention, à savoir, la gloire de Dieu. Car si nous ne l'avons pas à l'esprit et dans la pensée en faisant nos prières, nous ne devons pas nous attendre à être entendus ni à recevoir quoi que ce soit du Seigneur. Au chapitre 20 de Matthieu, « la mère des deux fils de Zébédée vint à Jésus, Le louant et disant : 'Octroie que mes deux files soient assis dans ton royaume, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche.' ». Dans cette demande, elle ne respectait pas la gloire de Dieu mais déclarait ouvertement sa propre ambition et la vaine gloire de sa pensée, et à cause de cela elle fut repoussée et rejetée par le Seigneur, comme elle le méritait bien. De même nous lisons dans les Actes au sujet de Simon le Mage, un sorcier, qui « percevant que [quand] les Apôtres, en imposant les mains, le Saint-Esprit était donné, leur offrit de l'argent en disant : 'Donnez-moi aussi ce pouvoir, afin que ceux à qui j'imposerai les mains reçoive le Saint-Esprit.' ». En faisant cette demande, il ne recherchait ni l'honneur ni la gloire de Dieu, mais un gain personnel, pensant obtenir plein d'argent de ce fait, et il lui fut donc répondu justement : « Que ton argent périsse avec toi, parce que tu penses que le don de Dieu peut être obtenu avec de l'argent ». Par cet exemple et d'autres, il nous est enseigné, quand nous faisons nos prières à Dieu, de respecter au premier chef l'honneur et la gloire de Son Nom. Ce dont nous avons un précepte général chez l'Apôtre Paul : « Soit que vous mangiez ou buviez, ou quoi que vous fassiez, veillez à le faire pour la gloire de Dieu ». Et nous le ferons d'autant mieux si nous suivons l'exemple de Christ notre Sauveur, qui, en priant que la coupe amère de la mort puisse passer loin de Lui, ne voulait pas voir accomplir Sa propre volonté, mais remettait toute l'affaire au bon vouloir et au bon plaisir de Son Père.
Nous avons traité jusqu'ici des choses que nous pouvons ouvertement et licitement demander à Dieu.
Maintenant, il faut que nous déclarions pour quelles sortes de gens nous devons prier, en conscience. St Paul, écrivant à Timothée, l'exhorte à faire des prières et des supplications pour tous les hommes, sans exception, de quelque degré ou de quelque condition ils soient. Dans ce passage il fait nommément mention des rois et des dirigeants qui sont en situation d'autorité, et nous fait ainsi savoir combien il est profitable à la communauté de prier avec implication pour les hautes autorités. Et ce n'est pas sans une bonne raison qu'il supplie dans toutes ses épîtres le peuple de Dieu de prier pour lui-même. Car en faisant cela, il déclare au monde combien il est opportun et nécessaire d'invoquer Dieu quotidiennement pour les ministres de la sainte Parole et des sacrements, afin que la porte de la prédication leur soit ouverte, qu'ils puissent vraiment comprendre les Écritures, qu'ils puissent effectivement les prêcher au peuple et en produire les vrais fruits comme exemple pour tous les autres. La congrégation priait continuellement pour Pierre de cette manière à Jérusalem et pour Paul parmi les Gentils, [et] pour la croissance et l'avancement de l'Évangile de Christ. Et si nous suivons leur bon exemple en cela, nous étudiant à faire de même, il est impossible d'exprimer combien cela nous sera profitable et combien cela plaira à Dieu.
Discourir sur chaque classe de gens serait trop long ; c'est pourquoi vous aurez cette unique conclusion, [valant] pour toutes. Nous sommes tenus d'aimer tout le monde par un commandement exprès car nous sommes tenus de prier pour eux en conscience aussi, mais nous sommes tenus par un commandement exprès d'aimer chacun comme nous-mêmes ; c'est pourquoi nous sommes tenus de prier pour tous les hommes aussi bien que pour nous-mêmes, même si nous savons qu'ils sont nos pires et plus mortels ennemis, car c'est ainsi que Christ notre Sauveur nous a clairement enseigné à faire, dans Son saint Évangile, en disant : « Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous détestent, priez pour ceux qui vous persécutent, afin que vous soyez les enfants de votre Père qui est dans les cieux ». Et comme Il l'a enseigné à Ses disciples, Il l'a aussi pratiqué Lui-même pendant le temps de sa vie, en priant pour Ses ennemis sur la Croix et en demandant à Son Père de leur pardonner, parce qu'ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient, comme l'a fait aussi le saint et béni martyr Étienne quand il fut cruellement lapidé à mort par les Juifs têtus au cou raide, comme exemple pour tous ceux qui suivront vraiment et sans feinte Christ leur Seigneur et Maître, dans cette vie misérable et mortelle.
Maintenant, traitons de la question de savoir si nous devons prier pour ceux qui ont quitté ce monde ou non. Si nous nous en tenons strictement à la Parole de Dieu, nous devons reconnaître que nous n'avons aucun commandement de le faire. Car l'Écriture ne reconnaît que deux endroits après cette vie, l'un est propre aux élus et bénis de Dieu, l'autre aux âmes réprouvées et damnées, comme on le peut le voir par la parabole de Lazare et de l'homme riche. En commentant ce passage, St Augustin a dit : « Ce qu'Abraham a dit à l'homme riche dans l'Évangile de Luc, à savoir que les jutes ne pouvaient pas aller dans ces lieux où les méchants sont tourmentés, qu'est-ce que cela signifie d'autre que ceci seulement : que les justes, en raison du jugement de Dieu qui ne peut être révoqué, ne peuvent rien faire dans leur miséricorde pour aider ceux qui après cette vie, sont jetés en prison jusqu'à ce qu'ils aient payé le prix le plus extrême? » Ces paroles, parce qu'elles annihilent l'opinion d'aider les morts par des prières, font table rase et ôtent l'erreur vaine du purgatoire qui est fondée sur cette parole de l'Évangile, « Tu n'en sortiras pas que tu n'aies payé jusqu'au dernier liard », St Augustin dit que ces gens qui sont jetés en prison après cette vie ne peuvent en aucune façon être aidés, malgré notre plus cher désir en ce sens. Et pourquoi ? Parce que la sentence de Dieu est irrévocable et ne peut être changée. Pour cette raison, ne nous y trompons pas en pensant que nous pourrions aider les autres, ou qu'ils pourraient nous aider par leurs bonnes et charitables prières, dans les temps à venir. Car comme le prédicateur l'a dit : « Quand l'arbre tombe, que ce soit vers le Sud ou vers le Nord, quel que soit le côté où l'arbre tombe, il y reste », signifiant par là que chaque mortel meurt en étant sauvé ou damné, comme les paroles de l'Évangéliste Jean l'affirment clairement : « Celui qui croit au Fils de Dieu a la vie éternelle, mais celui qui ne croit pas au Fils ne verra jamais la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui ». Où est alors le troisième lieu qu'ils appellent purgatoire ? Ou en quoi nos prières peuvent-elles aider et profiter aux morts ? St Augustin ne reconnaît que deux endroits après cette vie : le ciel et l'enfer. Quant au troisième lieu, il nie clairement qu'un tel endroit puisse être trouvé dans toute l'Écriture. De même Chrysostome est de cet avis, qu'à moins de laver nos péchés dans ce monde présent, nous ne trouverons aucune consolation après. Et St Cyprien dit qu'après la mort « le repentir et le chagrin seront sans fruit ; même les larmes seront vaines et la prière sera sans but ». C'est pourquoi il conseille à tous les hommes de faire des provisions pour eux-mêmes pendant qu'ils le peuvent, parce que « une fois qu'ils ont quitté cette vie, il n'y a plus aucune place pour la repentance, ni même pour le rachat ». Que ces passages et d'autres suffisent à ôter de nos têtes l'erreur grossière du purgatoire, et ne nous laissent plus rêver que les âmes des morts soient en quoi que ce soit aidées par nos prières, mais comme l'Écriture nous l'enseigne, pensons que l'âme humaine, en sortant du corps, s'en va directement au ciel ou en enfer, où l'un n'a besoin d'aucune prière et l'autre est sans rédemption.
Le seul purgatoire auquel nous devons nous fier pour être sauvés est la mort et le sang de Christ, qui, si nous l'appréhendons avec une foi vraie et ferme, nous purge et nous lave de tous nos péchés, comme s'Il était maintenant pendu sur la Croix. « Le sang de Christ », dit St Jean, « nous a lavés de tout péché ». « Le sang de Christ », dit St Paul, « a purifié nos consciences des œuvres mortes, pour servir le Dieu vivant ». Et aussi dans un autre passage, il dit : « Nous sommes sanctifiés », et rendus saints « par l'offrande du corps de Jésus-Christ », faite « une fois pour toutes ». Oui, il a de plus ajouté : « Avec une seule oblation » de Son corps béni et de Son précieux sang « Il a rendu parfaits pour les siècles des siècles tous ceux qui sont sanctifiés ». Voilà donc ce purgatoire dans lequel tous les Chrétiens doivent placer toute leur confiance, ne doutant pas que s'ils se repentent vraiment de leurs péchés et meurent dans une foi parfaite, ils passeront immédiatement de la mort à la vie. Si ce genre de purgation ne leur sert de rien, qu'ils n'espèrent pas être jamais libérés par les prières d'autres hommes, même s'ils continuent en cela jusqu'à la fin du monde. Celui qui ne peut pas être sauvé par la foi au sang de Christ, comment pourra-t-il être délivré par une intercession humaine ? Dieu a-t-Il plus d'égard pour l'homme sur terre que pour Christ au ciel ? « Si un homme pèche », dit St Jean, « nous avons un avocat auprès du Père, Christ le Juste, et Il est la propitiation pour nos péchés ». Mais nous devons prendre garde et invoquer cet avocat pendant que nous en avons le temps dans cette vie, car une fois morts, il ne nous reste aucun espoir de Salut. Car comme chaque homme s'endort dans sa propre situation, chaque homme ressuscitera dans la même situation. Et voyez : On meurt dans une situation, et on sera jugé dans la même situation, que ce soit le Salut ou la damnation.
Ne rêvons donc pas au purgatoire ou à la prière des âmes de ceux qui sont morts, mais prions sérieusement et diligemment pour ceux qui nous sont expressément recommandés dans l'Écriture Sainte, à savoir pour les rois et les dirigeants, pour les ministres de la sainte Parole de Dieu et des sacrements, pour les saints de ce monde, autrement appelés les fidèles, bref, pour tous les vivants, même s'ils sont les plus grands ennemis de Dieu et de Son peuple, comme les Juifs, les Turcs, les païens, les infidèles les hérétiques, etc. Alors nous accomplirons vraiment le Commandement de Dieu en la matière et nous nous révèlerons pleinement comme les véritables «enfants de notre Père céleste, qui tolère que le soleil brille sur les bons et les mauvais et que la pluie tombe sur les justes et les injustes ». À qui et pour tous les autres avantages qui sont très abondamment octroyés à l'humanité depuis le commencement, rendons grâce du fond du cœur comme nous y sommes fortement tenus, et louons Son Nom pour les siècles des siècles. Amen.