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SERMON pour le cinquième dimanche après l'Épiphanie

Colossiens 3/12-17 ; Matthieu 13/24-30

 

SUPPORTER LE MAL

 

La perfection n'est pas de ce monde. Seul Dieu est parfait. Et nous ne parvenons pas à être de bons imitateurs de Christ, ni même de Paul qui déclare (1 Corinthiens 11/1) : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Christ » ; et Paul le répète (1 Corinthiens 4/16) : « Je vous en supplie donc : soyez mes imitateurs ».

 

Si l'Apôtre Paul fait de telles déclarations, c'est qu'il en ressent le besoin ; et s'il en ressent le besoin, c'est qu'il a constaté des déviances dans les églises qu'il a fondées, tant dans la pratique que dans la doctrine (2 Timothée 4/3-4) : « En effet, un temps viendra où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine. Au contraire, ayant la démangeaison d’entendre des choses agréables, ils se donneront une foule d’enseignants conformes à leurs propres désirs. Ils détourneront l’oreille de la vérité et se tourneront vers les fables ».

 

Paul n'a rien de plus pressé que de remettre le train de l'Église sur ses rails de la Parole de Dieu révélée, inspirée, sans erreur, unique source de foi et de mœurs ; mais ne pouvant pas être partout en même temps, il délègue aux Corinthiens son fidèle secrétaire Timothée (1 Corinthiens 4/17) : « Pour cela je vous ai envoyé Timothée, qui est mon enfant bien-aimé et fidèle dans le Seigneur. Il vous rappellera quels sont mes principes de vie en Christ, tels que je les enseigne partout, dans toutes les Églises ». Aujourd'hui, de trop nombreuses églises ont dévié et dévient encore en s'éloignant de l'Évangile de la grâce pour prêcher un salut marchandé au moyen des bonnes œuvres ou de la tolérance sinon l'approbation du péché. Dans ces circonstances, Paul n'hésiterait pas une seconde : il enverrait des missionnaires fidèles dans ces églises afin de prêcher le véritable Évangile de Christ, la Bible : « Toute l’Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice » (2 Timothée 3/16). Et c'est bien la Parole de Dieu que Paul envoie Timothée prêcher (2 Timothée 4/2) : « prêche la parole, insiste en toute occasion, qu’elle soit favorable ou non, réfute, reprends et encourage. Fais tout cela avec une pleine patience et un entier souci d’instruire ».

 

Au dix-septième siècle de l'ère chrétienne, deux mouvements ont cru devoir se séparer de l'Église d'Angleterre : les Quakers et les Puritains. Ils ne supportaient pas la présence d'alcooliques et d'adultères au culte. Leur esprit de jugement s'est mué en orgueil spirituel, et ils ont fondé des églises de purs spirituels, pensant être meilleurs que les autres. Mal leur en a pris, car ils ignoraient l'avertissement de notre Seigneur Jésus-Christ à ceux qui voulaient lapider une femme prise en flagrant délit d'adultère (Jean 8/7) : « Que celui d’entre vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle ». Et ces églises de Puritains et Quakers se sont vite retrouvées avec des alcooliques et des adultères dans leurs assemblées. Même chose pour les assemblées évangéliques et baptistes fondées à partir du 19ème siècle. Le Mal ne doit pas être fui, mais combattu.

 

Le premier devoir du Chrétien qui veut parvenir à la vie éternelle, c'est de se montrer digne de l'appel de Dieu, c'est-à-dire de balayer soigneusement devant sa propre porte. Le livre de la Prière Commune nous enjoint de faire matin et soir notre examen de conscience et de nous repentir de chaque péché - conscient ou non - avant même de songer à nous adresser à Dieu dans la prière : "Père tout-puissant et très miséricordieux, nous nous sommes égarés et détournés de tes voies comme des brebis perdues. Nous avons trop suivi les inclinations et les convoitises de nos cœurs. Nous avons transgressé tes saints commandements. Nous avons omis les choses qu'il fallait faire, et nous avons fait celles qu'il ne fallait point faire ; et il n'y a rien de pur en nous. Mais toi, ô Seigneur, aie pitié de nous misérables pécheurs. Ô Dieu, pardonne à ceux qui confessent leurs fautes ; rétablis ceux qui se repentent, selon tes promesses faites au genre humain en Jésus-Christ, notre Seigneur. Et pour l'amour de lui, ô Père très miséricordieux, accorde-nous la grâce de vivre désormais dans la piété, dans la justice et dans la tempérance, à la gloire de ton saint Nom. Amen". Avez-vous remarqué que cet examen de conscience comporte un engagement solennel à renoncer au péché, et à lutter contre la tentation ? C'est ce même engagement que Christ attendait de la femme surprise en flagrant délit d'adultère, en la renvoyant (Jean 8/11b) : « ... va, et désormais ne pèche plus ».

 

Nous avons donc trop de travail à faire sur nous-mêmes pour nous préoccuper de nous comparer aux autres. Nous n'en avons pas le temps, et l'amour charitable que le Saint-Esprit qui demeure dans nos cœurs nous porte à aimer nos frères et sœurs, en leur manifestant la charité suprême qui est de les conduire à la repentance et à la vie éternelle. Loin de nous de vouloir les exclure de l'Église, nous voulons au contraire en faire des imitateurs de Christ, dans la communion de tous les saints. Loin de nous aussi de vouloir quitter une Église biblique où la Parole de Dieu entière est prêchée, étudiée et mise en pratique. Loin de nous encore de vouloir fonder une nouvelle secte de purs, tels des Cathares des temps modernes. Notre rôle missionnaire est plutôt d'aller vers les pécheurs en leur montrant l'amour de Dieu qui a sacrifié son Fils unique sur une méchante croix afin de nous racheter et nous arracher aux griffes du Malin. Notre rôle est de les amener à la repentance et à une vie sainte, "dans la piété, dans la justice et dans la tempérance, à la gloire" du saint nom de Dieu, dont nous nous réclamons.

 

Il nous faut donc supporter le mal, ce qui ne signifie aucunement le subir ni l'approuver, mais d'engager la lutte contre le mal en nous-mêmes, d'abord, puis d'aider nos frères et sœurs dans leur propre lutte. Pour cela, il n'est qu'un seul moyen : étudier et enseigner la Bible (Romains 10/17) : « Ainsi la foi vient de ce qu’on entend et ce qu’on entend vient de la parole de Dieu ». Ayez confiance dans la puissance de cette Parole (Hébreux 4/12) : « En effet, la parole de Dieu est vivante et efficace, plus tranchante que toute épée à deux tranchants, pénétrante jusqu’à séparer âme et esprit, jointures et moelles ; elle juge les sentiments et les pensées du cœur ». Rappelez-vous de ceci : nous ne jugeons pas selon nos propres critères, mais selon ceux de la Bible ; en quelque sorte, c'est donc la Parole de Dieu qui juge et qui convainc de péché - pas nous.

 

Et comment pourrions-nous remplir notre rôle et notre obligation, si nous excluons de nos assemblées les pécheurs ? Au bout du compte, nous aurons tôt fait de vider nos églises et nous finirions par les déserter nous-mêmes ! (Jean 8/7-9) : « Comme ils continuaient à l’interroger, il se redressa et leur dit : Que celui d’entre vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle. Puis il se baissa de nouveau et se remit à écrire sur le sol. Quand ils entendirent cela, accusés par leur conscience ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus âgés et jusqu’aux derniers ; Jésus resta seul avec la femme qui était là au milieu ». Comment et par qui les pécheurs seront-ils amenés à la repentance, si personne ne les instruit de la volonté de Dieu, exprimée clairement dans Sa Parole éternelle ? Notez en passant que le meilleur moyen d'intéresser les gens à l'étude de la Bible, c'est de leur monter le bon exemple en l'étudiant nous-mêmes, sans nous en cacher. Nous n'avons pas honte de lire la Bible, pas plus que de prendre notre petit-déjeuner, chaque matin.

 

Notre Seigneur Jésus-Christ nous invite à supporter les pécheurs à l'aide d'une parabole : celle de l'ivraie et du bon grain (Matthieu 13/26-30) : « Lorsque le blé eut poussé et donné du fruit, la mauvaise herbe apparut aussi. Les serviteurs du maître de la maison vinrent lui dire : ‘Seigneur, n’as-tu pas semé une bonne semence dans ton champ ? Comment se fait-il donc qu’il y ait de la mauvaise herbe ?’ Il leur répondit : ‘C’est un ennemi qui a fait cela.’ Les serviteurs lui dirent : ‘Veux-tu que nous allions l’arracher ?’ ; ‘Non, dit-il, de peur qu’en arrachant la mauvaise herbe vous ne déraciniez en même temps le blé. Laissez l’un et l’autre pousser ensemble jusqu’à la moisson et, au moment de la moisson, je dirai aux moissonneurs : "Arrachez d’abord la mauvaise herbe et liez-la en gerbes pour la brûler, mais amassez le blé dans mon grenier".’ ». Si le jugement biblique nous appartient, la condamnation revient à Dieu seul. Autrement dit, nous devons supporter le mal que font les pécheurs, et surtout le mal qu'ils nous font, tout en résistant à la tentation et au péché, afin qu'ils aient la chance d'entendre et d'être touchés par la prédication de l'Évangile de Christ crucifié à cause de nous mais ressuscité par le Père afin de manifester Son pardon gratuit envers nous. Mes amis, ne gardons pas pour nous notre joie d'être sauvés ; partageons-la avec ceux de notre entourage, ceux qui sont au près comme au loin. Témoignons de notre foi en menant simplement une vie sainte et charitable.

 

Paul nous y invite en écrivant aux Colossiens (Colossiens 3/12-13) : « Ainsi donc, en tant qu’êtres choisis par Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous de sentiments de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres et, si l’un de vous a une raison de se plaindre d’un autre, pardonnez-vous réciproquement. Tout comme Christ vous a pardonné, pardonnez-vous aussi ». Les pécheurs ne sont pas parfaits ni à notre goût ? Posons-nous la question de savoir si nous sommes nous-mêmes parfaits et au goût de notre Père du Ciel ! Nous aurons la réponse ! Regardons-nous devant la glace, et gardons en mémoire notre image imparfaite, comme le rappelle l'apôtre Jacques (Jacques 1/23-24) : « En effet, si quelqu’un écoute la parole et ne la met pas en pratique, il ressemble à un homme qui regarde son visage dans un miroir et qui, après s’être observé, s’en va et oublie aussitôt comment il était ».

 

Et que nous recommande cette Parole ? Une fois de plus, Paul nous livre la réponse (Colossiens 3/16) : « Que la parole de Christ habite en vous dans toute sa richesse ! Instruisez-vous et avertissez-vous les uns les autres en toute sagesse par des psaumes, par des hymnes, par des cantiques spirituels, chantez pour le Seigneur de tout votre cœur sous l’inspiration de la grâce ». Voilà pour la théorie ; et voici maintenant pour la pratique : (Colossiens 3/17) : « Et quoi que vous fassiez, en parole ou en acte, faites tout au nom du Seigneur Jésus en exprimant par lui votre reconnaissance à Dieu le Père ». Oublions notre MOI et nos interprétations personnelles. Mais relisons la Bible, toute la Bible. Écoutons ou lisons les prédications bibliques en prenant part au culte dans les églises traditionnelles qui résistent encore à l'influence d'un Monde voué au Mal sous toutes ses formes, et qu'il nous faut bien supporter afin de l'évangéliser par notre témoignage de vie chrétienne, même s'il reste imparfait.

 

Nous serons pardonnés de notre imperfection si nous avons de l'amour pour nos frères et sœurs (Colossiens 3/14) : « Mais par-dessus tout cela, revêtez-vous de l’amour, qui est le lien de la perfection ». Voulons-nous être parfaits ? Il est vain de vouloir paraître parfaits, tels des Cathares hypocrites. Ces derniers prétendaient être parfaits par procuration : Ils élevaient quelques jeunes dans la perfection afin qu'ils soient parfaits à leur place, attendant dans une vie de plaisirs que ces parfaits leur donnent le "consolamentum" au moment de mourir, le pardon de tous leurs péchés, au moyen d'une formule magique que seuls les parfaits étaient en droit de prononcer.

 

Loin de cela, il faut viser la perfection pour nous-mêmes en aimant nos frères et sœurs et en aidant les plus faibles à grandir dans la foi. La tâche est immense ; il y a là de quoi nous occuper pour la vie entière. Et finalement, ne serait-ce pas cela "servir Dieu" en servant nos frères ? Christ n'a pas recruté des assistantes sociales mais des Apôtres, pour enseigner l'obédience chrétienne (Matthieu 28/19-20) : « Allez ! faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit et enseignez-leur à mettre en pratique tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde ».

 

Nous avons cette promesse rassurante : Christ est là, près de nous ; Il marche avec nous et nous guide dans notre cheminement vers le Ciel. Et comme c'est par la foi que nous sommes sauvés, notre priorité doit être d'enseigner la Parole de Dieu et de la mettre en pratique en étant croyants et en nous aimant les uns les autres.

 

Certes, les Douze ont recruté sept Diacres pour servir aux tables et veiller à ce qu'aucun membre de l'Église ne soit dans le manque et le besoin. Mais la mission qu'ils leur ont confiée était une tâche subalterne afin de se consacrer eux-mêmes entièrement au service des hommes par la prédication de la Parole de Dieu (Actes 6/2-4) : « Les douze convoquèrent l’ensemble des disciples et dirent : "Il ne convient pas que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables. C’est pourquoi, frères et sœurs, choisissez parmi vous sept hommes de qui l’on rende un bon témoignage, remplis d’Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de ce travail. Quant à nous, nous continuerons à nous consacrer à la prière et au ministère de la parole." ». Sept Diacres pour Douze Apôtres, cela nous donne une idée de l'importance de leurs ministères respectifs !

 

Arrivés au terme de ce tour d'horizon biblique, nous retiendrons ceci : Nous sommes tous pécheurs, et nous avons tous à nous repentir d'une multitude de manquements à notre obligation de témoigner de notre foi en Christ. Mais reprenons chaque fois courage : c'est justement parce que nous sommes pécheurs que Christ nous a convertis en Se révélant à nous. Ne nous laissons pas impressionner ni arrêter par des scrupules ou des blessures d'orgueil. Christ Lui-même y fut confronté avant nous (Hébreux 5/8-9) : « Ainsi, bien qu’étant Fils, il a appris l’obéissance par ce qu’il a souffert. Et parfaitement qualifié, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent l’auteur d’un salut éternel ». Et c'est précisément ce Salut éternel que nous voulons répandre dans le monde, et atteindre les élus du Père, tout en supportant comme Christ l'a fait avant nous la présence, la critique et les embûches des mauvaises graines d'ivraie que le Malin y a semées et que notre Seigneur permet afin d'éprouver notre foi et la faire grandir en vue de la grande Moisson finale. Amen.

Tr. Révd Yves Méra, évêque AOC France.

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