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SERMON pour le 11ème dimanche après la Trinité

1 Corinthiens 15/1-11 ; Luc 18/9-14 (Parabole du Pharisien et du publicain).

 

CONTRE L'ORGUEIL

 

En argumentant avec Dieu au sujet de Sodome, « Abraham reprit : "Voici que j’ai eu l’audace de parler au Seigneur, moi qui ne suis que poussière et cendre" » (Genèse 18/27). Si Abraham est bien notre père dans la foi, alors nous savons que nous ne valons pas plus que lui. Et si Abraham n'est que poussière et cendre, nous sommes de sa race : poussière et cendre. Nous n'avons pas lieu de nous vanter de quoi que ce soit, ni de nous enorgueillir, ni d'être fier.

 

Quant à ceux qui défilent dans les rues chaque année au mois de juin en manifestant leur fierté sexuelle ultra-minoritaire, il ne ferait pas de mal de leur rappeler qu'ils ont été d'abord créés et qu'ils sont poussière et cendre comme nous, et que comme nous, ils doivent la vie à leur Créateur (Genèse 2/7) : « L’Éternel Dieu façonna l’homme avec la poussière de la terre. Il insuffla un souffle de vie dans ses narines et l’homme devint un être vivant ». La seule chose dont nous pouvons être fiers, ce n'est pas notre péché, mais d'être faits à l'image de Dieu : homme et femme - et non pas homme ou femme, au choix ! (Genèse 1/27) « Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu. Il créa l’homme et la femme ». Et le projet de Dieu visait la fécondité des hommes (Genèse 1/28a) : « Dieu les bénit et leur dit : « Reproduisez-vous, devenez nombreux, remplissez la terre et soumettez-la ! ». Former des couples stériles par nature n'a jamais été dans la volonté de Dieu. C'est pécher.

 

Mais il y a pire que de défiler dans les rues en petite tenue en agitant des drapeaux rayés multicolores, et notre Seigneur Jésus-Christ nous le rappelle dans la parabole du Pharisien et du publicain. En effet, défiler dans les rues n'est que de la vaine propagande et de la provocation adolescente. Cette démarche est le plus souvent contre-productive, car elle est choquante, et bon nombre d'homosexuels s'en détournent, car ils en ressentent de la gêne. Comme quoi la conscience du péché demeure, même dans le plus profond des avilissements. Il y a pire que de se vanter devant les hommes en manifestant une coupable solidarité dans le péché : c'est de se vanter devant l'Éternel-Dieu, en s'attribuant quelque mérite personnel. Nous n'avons aucun mérite en quoi que ce soit, et si nous avons mérité quelque chose, c'est bien l'enfer éternel. Car nous sommes tous rebelles à Dieu, désobéissants, insensibles à Son amour et à Ses droits sur nous qui sommes Ses créatures.

 

Notre Seigneur Jésus-Christ remet à leur juste place ces vantards de tout poil ou à poil. (Luc 18/9) : « Il dit encore cette parabole, à l’intention de certaines personnes qui étaient convaincues d’être justes et qui méprisaient les autres ». La parabole du Pharisien et du publicain. Mais d'abord, qui sont-ils ? Jésus ne les nomme pas. C'est donc une parabole générale, applicable à tous et à chacun d'entre nous.

 

Que dit le dictionnaire (Le grand Robert) ? Un Pharisien est un Juif qui se sépare des autres israélites pour vivre dans la stricte observance de la Loi écrite et de la tradition orale des scribes, et que les Évangiles accusent de formalisme et d'hypocrisie. Un auteur breton, mécréant mais cultivé, en donne cette description truculente : « Un pharisien était un homme infaillible et impeccable, un pédant certain d'avoir raison, prenant la première place à la synagogue, priant dans les rues, faisant l'aumône à son de trompe, regardant si on le salue ». Vous avez reconnu Ernest Renan. Selon l'auteur chrétien François Mauriac, « le Pharisien n'a que l'ostentation de la piété, de la vertu ; c'est un faux dévot qui croit incarner la perfection et la vérité, observant strictement un dogme, des rites ; il se reconnaît par là le droit de juger sévèrement autrui, de condamner sa conduite sous couleur de lui rendre service », mais il le fait selon ses propres critères - pas ceux de la Bible, ou alors en les arrangeant à sa propre sauce. Le philosophe Alain publiait en 1913 cette définition : « Le Pharisien est un homme qui croit en Dieu, et qui croit que Dieu est content de lui […] Qui offense le Pharisien offense Dieu : "Seigneur, tu es juste ; tu connais mon esprit et mon cœur […] la lumière morale, la lumière politique c'est moi qui l'ai. Tout perfection agit par moi […] c'est pourquoi je n'ai pas le droit de pardonner" ».  Quelle horreur ! On croirait entendre M. Mélenchon déclarant "La république, c'est moi !" !

 

Quant au publicain, toujours selon le même dictionnaire de la langue française, c'est un homme public, un fonctionnaire. Il y en avait de deux niveaux : d'une part de riches chevaliers romains qui prenaient à ferme le recouvrement des impôts. Ils payaient l'impôt à César pour toute la population de son ressort, et se remboursait en taxant les redevables, souvent bien au-delà de ce qui était dû, comme Zachée l'avoua à Jésus en visite chez lui (Luc 19/6-8) : « Zachée s’empressa de descendre et l’accueillit avec joie. En voyant cela, tous murmuraient en disant : "Il est allé loger chez un homme pécheur." Mais Zachée, se tenant devant le Seigneur, lui dit : "Seigneur, je donne aux pauvres la moitié de mes biens et, si j’ai causé du tort à quelqu’un, je lui rends le quadruple." ».

Dans notre ancien Code Pénal, c'était un crime, le crime de concussion, passible de la Cour d'Assises. Aujourd'hui, ce n'est plus qu'un délit, mais les peines sont restées les mêmes : 5 années d'emprisonnement et 200.000€ d'amende, non négociable. D'autre part, le même terme de publicain visait les employés subalternes de ces chevaliers romains, choisis généralement dans la population locale. Tous étaient méprisés et haïs du peuple, et s'attiraient cette haine et ce mépris par leur autoritarisme et un air de supériorité qu'ils savaient bien faire sentir à leurs administrés, pour lesquels ils n'avaient aucun égard ni aucune tendresse particulière.

 

Typiquement, voilà comment le fonctionnaire public de César s'adresse au souverain Créateur, dans la bouche de Jésus-Christ (Luc 18/11-12) : « Le pharisien, debout, faisait cette prière en lui-même : "O Dieu, je te remercie de ce que je ne suis pas comme les autres hommes, qui sont voleurs, injustes, adultères, ou même comme ce collecteur d’impôts. Je jeûne deux fois par semaine et je donne la dîme de tous mes revenus." ». Oui, le collecteur d'impôt est un voleur, comme ceux à qui Jean-Baptiste adresse cette harangue (Luc 3/12-13) : « Des collecteurs d’impôts vinrent aussi pour se faire baptiser ; ils lui dirent : "Maître, que devons-nous faire ?" Il leur répondit : "N’exigez rien de plus que ce qui vous a été ordonné." ». Oui, le collecteur d'impôts était injuste ; l'homme est faible et la tentation est grande d'abuser du pouvoir que donne la puissance publique, à une époque où les contrôles sont quasiment inexistants. Non, le collecteur d'impôts ne jeûne pas deux fois la semaine, les mardis et jeudis, parce qu'il travaille pour les Romains qui ne jeûnent pas. Et non il ne donne pas la dîme de tous ses revenus, à moins de se convertir, comme Zachée en la présence de Jésus-Christ : « "Seigneur, je donne aux pauvres la moitié de mes biens et, si j’ai causé du tort à quelqu’un, je lui rends le quadruple." ». Quand Zachée ouvre son cœur et son porte-monnaie, c'est beaucoup plus que la dîme qu'il verse d'un coup : non pas 10% de ses revenus mais 50% de son capital, et 400% de ce qu'il a reçu en trop de ce qui était dû. L'intérêt principal pour le spirituel entraîne un total désintérêt pour le matériel.

 

Dans notre parabole, le fonctionnaire public s'accuse non pas de ce qu'il fait, mais de ce qu'il est - un pécheur (Luc 18/13-14) : « Le collecteur d’impôts, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine en disant : "O Dieu, aie pitié de moi, qui suis un pécheur." ». Il se roule dans la poussière et la cendre, bien conscient d'avoir mérité le rejet de tous en général, et de Dieu en particulier. Notez bien la différence majeure entre le Pharisien et le publicain : si le publicain croit en Dieu et s'humilie devant Sa Majesté, le Pharisien croit en lui-même et en ses bonnes œuvres pour mériter l'approbation de Dieu, qu'il semble prendre comme un marchand de tapis avec qui on pourrait négocier un rabais pour faire une bonne affaire. Quelle horrible méprise !

 

Lequel est le plus proche de la vérité, d'après vous ? Le Pharisien ou le publicain ? Jésus nous donne la réponse : (Luc 18/14) : « Je vous le dis, lorsque ce dernier descendit chez lui, il était considéré comme juste, mais pas le pharisien. En effet, toute personne qui s’élève sera abaissée, et celle qui s’abaisse sera élevée. ». Ne cherchons pas à nous justifier en nous gonflant d'orgueil devant Dieu et en roulant des mécaniques sur un air de techno-musique, perchés sur l'impériale d'un bus à deux étages qui est pour le Créateur la charrette des condamnés, mais roulons-nous dans la poussière et la cendre, car c'est de cela que nous sommes faits, et c'est ce que nous valons aux yeux de Dieu, nous et nos prétendues bonnes œuvres. La vraie Pride des Chrétiens, c'est ce que l'Église manifeste tous les ans, chaque Mercredi des Cendres, à l'entrée en Carême, « En effet, toute personne qui s’élève sera abaissée, et celle qui s’abaisse sera élevée ». Même à Zachée, Jésus a donné cet ordre (Luc 19/5b) : « Zachée, dépêche-toi de descendre, car il faut que je m’arrête aujourd’hui chez toi. ».

 

Tel est l'Évangile que Paul rappelle aux Corinthiens, dont les habitants n'étaient pas connus pour leur modestie, enrichis qu'ils étaient par les droits de passage des bateaux par voie de terre sur des rouleaux. Cet Évangile de l'humilité par lequel « … vous êtes sauvés si vous le retenez dans les termes où je vous l’ai annoncé ; autrement, votre foi aurait été inutile. » (1 Corinthiens 15/2b). De quoi pourrions-nous être fiers, quand « Christ est mort pour nos péchés » ? (verset 3). Et Paul continue en précisant (versets 4-8) : « il a été enseveli et il est ressuscité le troisième jour, conformément aux Écritures. Ensuite il est apparu à Céphas, puis aux douze. Après cela, il est apparu à plus de 500 frères et sœurs à la fois, dont la plupart sont encore vivants et dont quelques-uns sont morts. Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. Après eux tous, il m’est apparu à moi aussi, comme à un enfant né hors terme. ».

 

On prêche souvent sur la joie et le soulagement que la Résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ procure à Ses fidèles. Mais il ne faut pas oublier la honte que le même Jésus-Christ nous inspire quand Il nous sauve par amour, alors que nous avons tous mérité tout le contraire, en enfer. Si Dieu nous a sauvés, c'est donc uniquement par Sa grâce, par un décret de Sa seule volonté. Nous n'avons aucun mérite dans ce Salut qui nous est donné par grâce (verset 10) : « … par la grâce de Dieu je suis ce que je suis … », dit Paul.

 

Et le même Paul ajoute (versets 10b) : « … et sa grâce envers moi n’a pas été sans résultat. Au contraire, j’ai travaillé plus qu’eux tous, non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu avec moi ». Qui sommes-nous par rapport à Paul ? des évangélistes ayant répandu la Bonne Nouvelle du Salut en Jésus-Christ dans de nombreux pays étrangers ? Qui sommes-nous par rapport à Notre Seigneur Jésus-Christ ? Des porteurs de Sa croix comme Simon de Cyrène gravissant avec Lui la pente du Golgotha ? Nous n'avons rien fait de tel. Nous sommes des serviteurs inutiles et sans fruit. Et pourtant nous avons reçu la grâce de Dieu. Nous n'avons pas de quoi nous vanter devant Dieu. Tout ce que nous avons à faire, c'est de nous rouler dans la poussière et la cendre, et c'est ce que nos corps redeviendront, une fois que nous aurons quitté nos corps de chair pour nous envoler au Ciel avec notre corps spirituel (1 Corinthiens 15/42b-44) : « Le corps est semé corruptible, il ressuscite incorruptible. Il est semé méprisable, il ressuscite glorieux. Il est semé faible, il ressuscite plein de force. Il est semé corps naturel, il ressuscite corps spirituel. Il y a un corps naturel, il y a aussi un corps spirituel ». « … voilà le message que nous prêchons, et voilà aussi ce que vous avez cru » (1 Corinthiens 15/11b).

 

Il faut en finir une fois pour toutes avec cet orgueil humain qui nous pousse à nous vanter de ce que nous sommes - parce que nous sommes poussière et cendre - ou de ce que nous avons pu faire de bien - parce que nous n'avons rien fait de valable qui soit de nature à nous sauver. Seule l'œuvre de Jésus-Christ à la croix, Son abandon total et Sa confiance inébranlable dans la volonté et la puissance du Père pour Le ressusciter le troisième jour est efficace pour nous sauver (Tite 2/11-14) : « En effet, la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, a été révélée. Elle nous enseigne à renoncer à un mode de vie impie et aux convoitises de ce monde et à vivre dans le temps présent conformément à la sagesse, la justice et la piété en attendant notre bienheureuse espérance, la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ. Il s’est donné lui-même pour nous afin de nous racheter de toute faute et de se faire un peuple qui lui appartienne, purifié et zélé pour de belles œuvres ». (Éphésiens 2/8) : « En effet, c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu ».

 

Rendons grâce à Dieu qui nous a créés et élus avant que nous fussions nés, à Jésus-Christ notre Seigneur qui nous a rachetés pour Son Père, au Saint-Esprit qui habite en nous et nous convainc de la vérité de l'Évangile, et à l'Église qui nous a transmis et enseigné cette Bonne Nouvelle du Salut, laquelle nous a affranchi de l'orgueil et de l'esclavage du péché. Amen.

Tr. Révd Yves Méra, évêque AOC.

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