
SERMON pour le 3ème dimanche après la Trinité
1 Pierre 5/5-11 ; Luc 15/1-10
LA BREBIS PERDUE
Le passage de la Brebis perdue est l'un des plus connus de l'Évangile. Notre Seigneur Jésus-Christ vise « Tous les collecteurs d’impôts et les pécheurs » (Luc 15/1). Mais « les Pharisiens et les spécialistes de la loi murmuraient, disant : "Cet homme accueille des pécheurs et mange avec eux." » (verset 2).
Remarquez la différence dans les attitudes : « Tous les collecteurs d’impôts et les pécheurs s’approchaient de Jésus pour l’écouter » (verset 1). Ils étaient attirés vers Jésus, poussés par le Saint-Esprit, et ils pensaient que Christ pourrait remédier à leur situation d'hommes déchus et déconsidérés. En effet, les collecteurs juifs de l'impôt romain collaboraient avec l'occupant, et les pécheurs se sentaient écrasés par la culpabilité. Ils ont fauté par faiblesse, et les voilà déprimés, encore plus affaiblis qu'auparavant. Ils sont bien conscients de ne pas pouvoir s'en sortir seuls et sans aide. Jésus serait-Il Celui que le monde attendait pour racheter les pécheurs perdus, en effaçant le péché du monde ? Certes oui ! Et son discours parabolique adressé aux Pharisiens le montre assez bien.
Les Pharisiens et les spécialistes de la Loi - les Scribes - ne viennent pas à Jésus pour L'écouter, mais pour Le critiquer « … les pharisiens et les spécialistes de la loi murmuraient, disant : "Cet homme accueille des pécheurs et mange avec eux." » (Luc 15/2). Ils sont sourds aux paroles du Maître, mais ils voient très bien les actes qu'Il pose : Jésus se compromet avec les pécheurs ! Quelle horreur ! En réalité, durant tout son parcours terrestre, notre Seigneur Jésus-Christ n'a fait que Se compromettre POUR les pécheurs. Nuance. Il s'est livré à la mort sur une croix infamante, afin de sauver les élus du Père. Et en tant que Dieu incarné, Christ n'a pas besoin de Se justifier. Il explique donc son action au moyen d'une parabole, d'une comparaison par laquelle Il retourne le jugement des Pharisiens et des Scribes contre eux. À la fin, ce sont eux qui seront jugés…
« Alors il leur dit cette parabole : "Si l’un de vous a 100 brebis et qu’il en perde une, ne laisse-t-il pas les 99 autres dans le désert pour aller à la recherche de celle qui est perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve ?" ». D'entrée, Jésus les accuse : « Si l’un de vous… ». Le discours parabolique de Christ ne se perd pas dans les généralités. Il capte immédiatement l'attention des auditeurs en les impliquant directement, personnellement. C'est ainsi que tout évangéliste devrait faire.
Prêcher l'Évangile de Jésus-Christ ne consiste pas à parler dans le vide, ni à s'écouter parler, ni à faire un discours de morale générale. Nous ne prêchons pas à personne, mais à des personnes… Dans le cas qui nous occupe, Jésus prêche à des personnalités de haut rang, en apparence supérieures à Lui. Les Pharisiens sont de parfaits observateurs de la Loi, mais ils en conçoivent un orgueil qui les rend insupportables aux autres et à Dieu, tant est grand leur mépris des pécheurs. Où est leur miséricorde ? Où est leur compassion ? Ils ne sont là que pour condamner, rejeter, disqualifier. Mais ils se gardent bien d'avouer leurs chutes quotidiennes. Ils tiennent à sauver la face en gardant une façade propre. Quant à l'intérieur de leur cœur, il n'est pas si beau à voir qu'ils le prétendent. Jésus leur dira « Malheur à vous, spécialistes de la loi et pharisiens hypocrites, parce que vous ressemblez à des tombeaux blanchis qui paraissent beaux de l’extérieur et qui, à l’intérieur, sont pleins d’ossements de morts et de toutes sortes d’impuretés. Vous de même, de l’extérieur, vous paraissez justes aux hommes, mais à l’intérieur vous êtes pleins d’hypocrisie et d’injustice » (Matthieu 23/27-28). En fait, au lieu de critiquer le Seigneur ; ils auraient mieux fait de s'asseoir à table avec les pécheurs et les collecteurs de l'impôt romain POUR ÉCOUTER Christ. Ils n'ont pas réfléchi, et la pensée que leur critique appelait une réponse en défense de la part de Jésus, qui les obligerait à L'écouter ne leur est pas venue l'esprit, car leur esprit est mauvais.
« Si l’un de vous a 100 brebis et qu’il en perde une, ne laisse-t-il pas les 99 autres dans le désert pour aller à la recherche de celle qui est perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve ? ». 100 brebis est un petit troupeau. Les troupeaux d'Abraham et de Lot étaient si nombreux qu'ils ont dû se séparer dans des régions différentes afin de les faire paître « La région ne suffisait pas pour qu’ils habitent ensemble. En effet, leurs biens étaient si nombreux qu’ils ne pouvaient plus rester ensemble » (Genèse 13/6). De même, les brebis de Job pullulaient « ses troupeaux couvrent le pays » (Job 1/10c). Et moins le troupeau est nombreux, plus on accorde de valeur à chaque brebis. Perdre une brebis quand on en a des milliers n'est pas une grosse perte. C'est tout juste si on s'aperçoit de sa disparition. En revanche, perdre une bonne reproductrice quand on en a peu revient à s'avancer d'un pas vers la ruine.
Jésus ne précise pas si la recherche de la brebis perdue a lieu un jour de sabbat. Nous savons qu'Il guérissait et accomplissait beaucoup de miracles pendant les jours de sabbat, car il y avait urgence « En effet, le Fils de l’homme est le Seigneur du sabbat. Jésus partit de là et entra dans la synagogue. Il s’y trouvait un homme qui avait la main paralysée. Ils demandèrent à Jésus : Est-il permis de faire une guérison le jour du sabbat ? C’était afin de pouvoir l’accuser. Il leur répondit : Lequel de vous, s’il n’a qu’une brebis et qu’elle tombe dans un trou le jour du sabbat, n’ira pas la retirer de là ? Or, un homme vaut beaucoup plus qu’une brebis ! Il est donc permis de faire du bien les jours de sabbat » (Matthieu 12/8-12). La réponse de Jésus est sans appel. Pris à leur propre piège et vexés, « Les Pharisiens sortirent et tinrent conseil sur les moyens de le faire mourir » (verset 14). Tuer un homme qui dérange est en effet un moyen radical de le faire taire !
Mais la parabole de la brebis perdue ne s'arrête pas là. Elle continue en décrivant la joie du Bon Berger qui retrouve sa chère et précieuse brebis, celle pour qui il a pris tous les risques, y compris celui de perdre tout le reste du troupeau, afin d'en sauver ne serait-ce qu'une seule : VOUS !
« Lorsqu’il l’a retrouvée, il la met avec joie sur ses épaules et, de retour à la maison, il appelle ses amis et ses voisins et leur dit : ‘Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis qui était perdue.’ » (Luc 15/5-6). Notez le possessif : « MA brebis ». Bien que perdue, elle Lui appartient ! (Jean 10/3b) : « … il appelle par leur nom les brebis qui lui appartiennent et il les conduit... ». Notez donc que le troupeau des rachetés est peu nombreux, et que chacun est appelé par son nom, un nom que Dieu connaît même si la personne ne l'a pas reçu au baptême mais autrement, et que Dieu nous connaît de toute éternité. Nous Lui appartenons, Il vient nous chercher car nous sommes perdus, ne connaissant pas le chemin de la bergerie. Ce n'est pas nous qui allons à Christ, mais Christ qui vient nous rechercher, Il nous prend sur Ses épaules et nous conduit dans Sa bergerie : Son Église et son Ciel éternel.
Jésus conclut cette parabole par ces mots « De même, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de changer d’attitude » (Luc 15/7). Et il revient à la réalité du débat avec les Pharisiens, quelques versets plus loin (verset 10) : « De même, je vous le dis, il y a de la joie parmi les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent ». Cette joie céleste se double de la satisfaction de savoir que le sacrifice unique de Christ à la croix n'était pas en vain.
Cette joie surprend les anges, mais ce n'est pas une surprise pour Dieu qui l'avait anticipée, comme le Père du Fils prodigue qui attendait le retour de Son fils (Luc 15/20b) : « … Alors qu’il était encore loin, son père le vit et fut rempli de compassion, il courut se jeter à son cou et l’embrassa ». Le Père vit son fils de loin, car tous les jours il guettait, scrutait l'horizon, attendant son retour inéluctable. Notez aussi que c'est le Père qui court vers son fils, et non l'inverse. Le fils est penaud, craintif, se sentant coupable. Mais son retour à la maison du Père est une marque de sa repentance. Plaie d'argent n'est pas mortelle, dit le proverbe. Alors le Père accourt et l'embrasse en signe de bienvenue, de pardon et d'acceptation. Le Père réhabilite son fils. Il le rétablit dans Sa demeure, où rien ne saurait manquer (Psaume 23/1-3) : « L’Eternel est mon berger : je ne manquerai de rien. Il me fait prendre du repos dans des pâturages bien verts, il me dirige près d’une eau paisible. Il me redonne des forces, il me conduit dans les sentiers de la justice à cause de son nom ». Non pas à cause de nos œuvres, ni de nos décisions, mais à cause de Son Nom !
La parabole de la Drachme perdue est un parallèle de celle de la brebis perdue. La différence est qu'elle vise les femmes. En Orient, leur seule richesse est leur dot, puisque tout le reste appartient à leur mari. Ne disposant pas d'un coffre-fort, elles portent leur dot sur le front, accrochée à leur coiffure, telle une frange métallique. C'est aussi une façon d'afficher leur rang social, tout comme les militaires portent leur grade bien en évidence, sous forme de galons, à ce que nul n'en ignore. Il arrivait qu'une des pièces d'argent constituant la dot se détache, tombe au sol et roule vers une destination inconnue, sans laisser d'adresse. Dès qu'elle s'en aperçoit, la femme se met à sa recherche « … jusqu’à ce qu’elle la retrouve » (Luc 15/8c). « Lorsqu’elle l’a retrouvée, elle appelle ses amies et ses voisines et dit : ‘Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce que j’avais perdue.’ » (verset 9). Elle n'appelle pas son mari ! Il n'est pas concerné, car la dot de son épouse ne lui appartient pas. La dot est un gage de fidélité que la femme emporte avec elle si son mari la répudie, afin de ne pas se retrouver à la rue et d'éviter d'être obligée de se prostituer pour survivre.
« … elle appelle ses amies et ses voisines… ». Tout le quartier est invité à se réjouir avec elle. Pour la bienséance, seules les femmes sont invitées, un peu comme pour un enterrement d'une vie de jeune fille. Toutes les femmes de la paroisse sont invitées à participer à des réjouissances, à des chants et des danses, afin de partager la joie du recouvrement le la pièce, non seulement en raison de sa valeur, mais de la part de dignité féminine qu'elle représente.
De même, en entrant dans l'Église par le baptême et la confirmation, ou en y revenant après une période d'absence, nous sommes l'occasion de réjouissances collectives, non seulement dans la paroisse, mais aussi dans le Ciel, où « … il y a de la joie parmi les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent » (Luc 15/10b).
Une fois dans l'Église, Pierre, dans sa première Épître, nous recommande de nous soumettre aux anciens (1 Pierre 5/5a) : « De même, vous qui êtes jeunes, soumettez-vous aux anciens ». Mais qui sont les Anciens, me direz-vous ? Ce sont toutes les générations de Chrétiens qui nous ont précédées, en remontant jusqu'aux Apôtres et à Jésus-Christ, et par conséquent, à leur enseignement biblique traditionnel.
Le même passage de l'Épître de Pierre se conclut au verset 11 : « À lui soit la puissance aux siècles des siècles ! Amen ! ». Nos petits bras musclés n'auront jamais la force de faire ce que Dieu fait. Mais Dieu nous donne la force de maintenir la vérité de ce que les anciennes générations nous ont transmis : le dépôt de la foi (2 Timothée 1/13-14) : « Prends pour modèle les saines paroles que tu as entendues de moi, dans la foi et l’amour qui sont en Jésus-Christ. Grâce au Saint-Esprit qui habite en nous, garde le beau dépôt qui t’a été confié ». Notre force est en Christ : (1 Pierre 5/10) : « Le Dieu de toute grâce vous a appelés en Christ à sa gloire éternelle. Après que vous aurez souffert un peu de temps, il vous rétablira lui-même, vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlables ». Ici, Pierre parle de sa propre expérience ! Là encore il y aura de la joie dans le Ciel pour chaque croyant accueilli.
Et Pierre a donc raison de nous inviter à nous revêtir d'humilité en nous plaçant « sous la puissante main de Dieu » (verset 6), en étant sobres et vigilants (verset 8). Nous ne savons pas combattre Satan, car il est invisible. Mais Dieu le combattra pour nous si nous le Lui demandons dans la prière. Ceux qui ne prient pas Dieu se livrent à Satan comme Judas a livré Jésus-Christ à Ses ennemis. Mais Judas agissait en vain, car Christ est vivant, ressuscité, et nous le serons nous aussi, au dernier jour. Alors, la joie du Père sera parfaite. Amen.